La question de l’âge pivot est celle sur laquelle va se concentrer l’ultime bras de fer qui oppose le président au leader de la CFDT, observe, dans sa chronique Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
Chronique. Laurent Berger n’a pas encore remporté la partie mais il a gagné une manche. Appelés à se prononcer sur la réforme des retraites, 46 % des Français demandent l’abandon de l’âge pivot, dans le dernier sondage Odoxa paru le 3 janvier. L’âge pivot est la mesure d’âge que le gouvernement envisage d’introduire dès 2022, pour le porter à 64 ans en 2025 et équilibrer le régime de retraites. Il est aussi devenu un marqueur très politique, le « symbole » du différend qui oppose Emmanuel Macron au leader de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), celui sur lequel va se concentrer l’ultime bras de fer entre le président et les syndicats réformistes.
Le 31 décembre 2019, le président de la République a exhorté son gouvernement à rechercher les voies d’« un compromis rapide » avec ceux des partenaires sociaux qui le veulent bien. Il sait qu’il va devoir lâcher du lest sur le « symbole » s’il veut décrocher la CFDT et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), mais il ne veut surtout pas perdre la face. Même si à la fin des tractations, la réforme Macron a de bonnes chances de ressembler à celle que souhaitait le patron de la CFDT, elle ne saurait porter le nom de Laurent Berger. Ainsi en va-t-il des relations complexes entre le président et le syndicaliste. Il ne peut y avoir qu’un maître, pas deux.
Rien ne s’est passé comme prévu
Le paradoxe est étrange car, sur le fond, Macron et Berger partagent la même vision : ils sont tous les deux persuadés que, dans un marché du travail profondément transformé, le système de protection sociale doit s’affranchir du corporatisme autour duquel il s’est construit pour se concentrer sur la consolidation des droits individuels. Le régime universel de retraite par point est, à leurs yeux, le seul qui permettra d’assurer une retraite convenable aux jeunes générations et une couverture décente aux plus précaires.
Leur réconciliation autour de la réforme était prônée par une partie de la majorité, qui trouve que le quinquennat s’est beaucoup trop déporté sur la droite. Elle était symbolisée par la présence, à l’Elysée, au côté du président, de Philippe Grangeon, l’influent conseiller spécial, issu des rangs de la CFDT. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Pour que le deal puisse fonctionner, il aurait fallu que la méfiance entre les deux personnages soit abolie. Et plus encore, que l’écart entre la social-démocratie et le social-libéralisme, qui avait creusé la tombe du précédent quinquennat, se résorbe. Or, ni l’un ni l’autre ne l’a voulu.
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