Se défaire de choses que l'on possède présente des similitudes avec d'autres situations à surmonter comme des attentes déçues. Shutterstock
Pourquoi les enfants ne veulent pas donner les jouets dont ils n’ont plus besoin
Shane Rogers, Edith Cowan University et Natalie Gately, Edith Cowan UniversityDans tout foyer avec des enfants, les objets s’accumulent inévitablement. Au fil des anniversaires, des fêtes de Noël, des célébrations d’événements comme des victoires sportives ou d’achats impulsifs, on se trouve envahi par un flot de jouets, de vêtements et de bibelots.
Se séparer de ces biens, voilà une tout autre affaire. Si certains enfants se laissent convaincre de déposer leurs vieux jouets dans des bacs de collectes solidaires ou de donner leurs vêtements trop petits à des amis, d’autres enfants ont vraiment du mal à faire ces gestes.
Essayons de comprendre pourquoi c’est une démarche si difficile et comment les parents et les éducateurs peuvent encourager les enfants dans cette voie.
Apprendre à se séparer
Éviter le désordre, c’est la première raison qui s’impose pour inciter les enfants à faire du tri. Les recherches montrent que le désordre peut avoir un impact négatif sur l’humeur et le bien-être des personnes qui sont attachées à avoir un intérieur bien rangé. Cependant, la définition de ce qui constitue un espace encombré varie considérablement d’une personne à l’autre.
S’ils ont constamment du mal à se débarrasser de ce qui leur appartient et que cela leur cause une grande détresse, certains enfants peuvent, dans les cas les extrêmes, développer un trouble de la thésaurisation.
Du point de vue psychologique, se défaire de choses que l’on possède présente des similitudes avec d’autres situations à surmonter comme des attentes déçues (par exemple l’annulation d’un événement) ou la rupture d’une relation. Cultiver dès l’enfance la capacité à séparer d’objets peut avoir des répercussions positives bien au-delà d’apprendre à garder les choses en ordre.
Pourquoi les enfants s’attachent à des objets
L’attachement aux objets commence au cours de la première année de vie de l’enfant. Les nourrissons peuvent être angoissés lorsqu’on leur enlève leur couverture ou leur ours en peluche. Les chercheurs considèrent que ce comportement d’attachement précoce est dû au fait que les objets agissent comme un substitut réconfortant lorsque le parent est absent.
Au fur et à mesure que les enfants grandissent, jusqu’au début de l’adolescence, le besoin de réconfort reste l’une des principales motivations à s’attacher à des objets. Cependant, le type de réconfort recherché peut devenir plus complexe à mesure que l’enfant prend de l’âge.
Avec le temps, les enfants peuvent en venir à considérer un jouet comme une entité spéciale. Dans une étude, on a présenté à des enfants une machine à dupliquer basée sur un simple tour de passe-passe. Ils pouvaient choisir de recevoir une copie de leur jouet ou de se voir restituer leur jouet original. Les enfants étaient plus enclins à demander qu’on leur rende le jouet original plutôt que d’en avoir une copie, ce qui indique un certain degré d’attachement au jouet original.
Certains jouets acquièrent une sorte de statut d’« ami ». Cette interaction est considérée comme bénéfique pour le développement psychologique et social. Il est facile d’imaginer qu’il peut être difficile de se séparer d’un objet considéré de cette manière.
Les possessions peuvent également agir comme des points de repère pour la mémoire. Ce vieux t-shirt délavé et mal ajusté qu’ils hésitent à jeter peut leur rappeler à quel point ils se sont sentis spéciaux et aimés lors de leur fête d’anniversaire.
Tout comme les adultes, les enfants peuvent tomber dans le piège du « je pourrais en avoir besoin plus tard ». Par exemple, un enfant qui aimait colorier mais qui a évolué vers d’autres passe-temps peut néanmoins hésiter à jeter ses vieux crayons de couleur, au cas où.
Un accompagnement étape par étape
Tout d’abord, essayez d’adopter le comportement que vous aimeriez que votre enfant adopte. Si vous avez du mal à vous débarrasser de vos propres affaires, comment verrait-il la nécessité de se débarrasser des siennes ?
Ensuite, discutez avec l’enfant des motivations sous-jacentes à sa résistance à se débarrasser de ses affaires et aidez-le à surmonter ses blocages mentaux.
Pour un jouet qui a un « statut d’ami », vous pouvez encourager l’enfant à se concentrer sur d’autres jouets qui sont également spéciaux. Aidez-les à comprendre que les relations peuvent se terminer, ce qui n’est pas un drame. D’autres peuvent voir le jour. Adoptez une approche progressive en incitant l’enfant à donner son jouet lorsqu’il sera prêt à le faire. Cela peut l’aider à sentir qu’il ne s’en débarrasse pas complètement, que le jouet continue d’exister, mais avec quelqu’un d’autre.
Dans le cas d’un objet qui rappelle de bons moments et qui a une valeur sentimentale, rappelez-lui qu’il existe d’autres moyens d’entretenir la mémoire, comme les photos ou les souvenirs avec les proches.
Dans le cas des réactions du type « Je pourrais en avoir besoin plus tard », une stratégie consiste à dissiper l’inquiétude qui sous-tend la résistance en leur disant qu’ils pourront obtenir un autre objet du même type si nécessaire. Il y a de fortes chances que cela ne soit pas nécessaire.
Il y aura d’autres raisons et motivations que celles mentionnées ci-dessus, c’est pourquoi il faut adopter une approche ciblée. Pour ce faire, communiquez avec votre enfant afin de comprendre son point de vue. Ensuite, adaptez votre stratégie afin de répondre au mieux à ses préoccupations spécifiques.
Essayez d’éviter de vous lamenter uniquement sur le désordre de l’appartement, ce qui pourrait nourrir des sentiments de culpabilité et de ressentiment chez l’enfant s’il peine à l’idée de se débarrasser de ses affaires. En revanche, en découvrant les raisons sous-jacentes à leur réticence, vous pourrez travailler avec eux pour faire face à ces pensées et à ces émotions.
Shane Rogers, Lecturer in Psychology, Edith Cowan University et Natalie Gately, Senior Lecturer and Researcher, Edith Cowan University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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