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Ours en peluche : les secrets d’un succès

Anne-Sophie Tribot, Aix-Marseille Université (AMU) et Blanc Nathalie, Université Paul Valéry – Montpellier III

Né au début du XXe siècle, l’ours en peluche occupe une place importante dans nos imaginaires collectifs. Pourquoi est-il si réconfortant ? La recherche s’est penchée sur le sujet.


Depuis plus d’un siècle, l’ours en peluche demeure l’un des jouets les plus appréciés. L’histoire commence au début du XXe siècle en Allemagne, lorsque Richard Steiff a l’idée de fabriquer le premier ours en peluche en laine mohair, qui séduit immédiatement le monde.

Peu de temps après, de l’autre côté de l’Atlantique aux États-Unis, un autre ours en peluche voit le jour suite à un événement impliquant le président Theodore Roosevelt. Lors d’une partie de chasse, celui-ci se voit offrir un ourson capturé par ses accompagnateurs, pour éviter que le président ne rentre bredouille. Le président refuse de tirer sur l’animal. Cette histoire, largement médiatisée, inspire le fabricant de peluches Morris Michtom à créer une version de cet ourson, baptisé Teddy Bear en hommage au surnom du président.

Pendant longtemps en Europe, ce n’était pas le lion, mais plutôt l’ours qui était considéré comme le roi des animaux, il était admiré et vénéré. Il n’est donc pas étonnant que cet animal symbolique ait inspiré les fabricants de jouets.

De nos jours, les ours en peluche occupent une place importante dans nos sociétés et nos imaginaires collectifs, non seulement en tant que jouet populaire auprès des enfants, mais aussi en tant que personnages de livres, de films et de dessins animés. Ils accompagnent les enfants, partagent leurs sentiments et leurs expériences personnelles, et c’est pour cela qu’ils intéressent aussi les chercheurs.

Des « amis » en peluche réconfortants

L’ours en peluche est un objet transitionnel : les jeunes enfants l’utilisent pour s’apaiser et se réconforter lorsqu’ils se sentent anxieux ou ont besoin de se rassurer. Cet objet aide l’enfant à faire la transition entre le monde de l’enfance et celui de l’indépendance, en fournissant un sentiment de sécurité et de familiarité dans des situations nouvelles ou stressantes.

C’est comme un ami en peluche, « vivant pour de faux » (propos recueillis lors d’un atelier de médiation dans une classe de maternelle), qui accompagne l’enfant dans son développement émotionnel et l’aide à surmonter l’angoisse de séparation de sa figure d’attachement (souvent ce sont ses parents), comme l’ont avancé Bowlby et Winnicot.

À l’âge adulte, ces objets dits transitionnels, dont on pourrait penser qu’ils perdent leur pouvoir réconfortant, sont toujours présents dans la vie quotidienne de certains adultes qui avouent encore dormir avec leur ours en peluche. Selon une enquête menée en 2017 auprès de 2 000 adultes américains, 40 % d’entre eux déclaraient dormir avec un animal en peluche à leurs côtés. Pour les psychologues, étudier l’ours en peluche est donc un moyen de mieux comprendre les enfants et leur développement jusqu’à l’âge adulte.

Le nounours a de nombreux talents. Par exemple, les enfants sont moins anxieux à l’idée d’être hospitalisés lorsqu’ils imitent des examens médicaux sur leur ours en peluche. Le fait de toucher un ours en peluche provoque une émotion positive, et peut par exemple aider une personne à se sentir mieux si elle se retrouve mise à l’écart ou rejetée par les autres, se sentant seule ou ignorée dans la société.

Les ours en peluche, objets de recherche

Si les premiers ours en peluche étaient plutôt rigides, et constitués de matières naturelles (mohair ou alpaga), ils se sont peu à peu transformés au fil des décennies pour (toujours) mieux nous plaire. En tant que jouet conçu pour qu’on s’y attache, la forme de l’ours en peluche a évolué pour ressembler de plus en plus à un ourson.

Les bébés animaux sont souvent perçus comme mignons en raison de certaines caractéristiques spécifiques de leur apparence : ils ont une tête large, un visage rond, et de grands yeux adorables qui provoquent la tendresse. L’ours en peluche est aussi devenu plus facile à câliner en étant plus souple, et sa fourrure est devenue plus douce.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de styles et de tailles d’ours en peluche, et certains sont devenus de véritables objets de collection.

A quoi ressemble un ours réconfortant ? Pour le savoir, notre équipe de recherche – composée de nous-mêmes et de Nicolas Mouquet (FRB-CESAB et CNRS), Thierry Brassac (Université de Montpellier), François Guilhaumon (IRD), et Nicolas Casajus (FBR-CESAB) – a récemment mené une étude participative sur les ours en peluche.

On parle de sciences participatives lorsque des citoyens se mobilisent pour participer à des projets de recherche. Au lieu de travailler seuls dans leur laboratoire, les chercheurs demandent à des citoyens de les aider en collectant bénévolement des données (c’est-à-dire des mesures ou des observations) ou en participant à des expériences.

Université de Montpellier : Des chercheurs tentent de percer le « pouvoir réconfortant » des ours en peluche (France 3 Occitanie, 2023).

Cette expérience sur les ours en peluche a été menée en 2019 lors de la Nuit européenne des chercheurs dans 13 villes françaises grâce à près d’un millier de participants âgés de 3 à 72 ans, qui devaient prendre en photo et mesurer les particularités de plusieurs centaines d’ours en peluche apportés par les citoyens eux-mêmes pour cet événement.

Il s’agissait par exemple de mesurer leur taille, leur poids, de regarder la longueur de leurs pattes, etc. Il s’agissait aussi de dire si le poil était plus ou moins doux, si le nounours était agréable à toucher, regarder, sentir ou câliner. Les scientifiques voulaient savoir si ces particularités rendent les nounours plus réconfortants (c’est-à-dire nous font du bien quand nous sommes tristes ou apeurés). L’objectif était aussi d’étudier l’effet du lien émotionnel existant entre une personne et son ours sur l’attribution de réconfort.

Comprendre le fonctionnement émotionnel des enfants et des adultes

Grâce à cette expérience, les scientifiques ont trouvé que l’attachement qu’une personne partage avec son ours en peluche préféré joue un rôle bien plus important dans le réconfort apporté que n’importe quelle autre particularité. Autrement dit, pour chacun d’entre nous, le nounours le plus réconfortant, c’est le nôtre !

Mais l’apparence de l’ours en peluche a aussi son importance. Les gens ont tendance à préférer les grands nounours (mais pas trop grands non plus), faciles à manipuler, qui sont doux, qui ont une odeur agréable (ce critère peut-être parfois très subjectif !) et plaisants à regarder. Ce qui est surprenant, c’est que les ours en peluche réconfortants plaisent autant aux enfants qu’aux adultes, on peut donc les aimer pendant toute la vie.

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Dans le futur, les scientifiques aimeraient explorer de nouvelles utilisations possibles de l’ours en peluche, comme à l’école, à l’hôpital ou dans les zones de conflit. Il serait également utile de comprendre comment les enfants attribuent des émotions aux ours en peluche, c’est-à-dire comment ils imaginent ce que l’ours en peluche à l’air de penser ou de ressentir.

En plus de nous faire du bien, l’ours en peluche est donc intéressant dans le domaine de la psychologie, car il offre de nombreuses possibilités de mieux comprendre le fonctionnement émotionnel (mais aussi cognitif) des petits et des grands.

Les relations entre les humains et les peluches sont récentes, multiples et bien implantées dans les sociétés occidentales. Elles nous parlent de notre rapport à la nature et de la puissance symbolique de l’ours (et du lapin, et du chat…) et de notre préférence pour les mammifères par rapport autres espèces. Il se vend une peluche toutes les deux secondes en France (ce qui fait 13 millions par an), ce qui souligne bien l’importance de cet objet symbolique et culturel qui n’a pas fini de nous étonner, et de nous consoler et de nous rassurer les nuits d’orage.

Anne-Sophie Tribot, Enseignante-Chercheuse, Aix-Marseille Université (AMU) et Blanc Nathalie, Professeur de Psychologie, Université Paul Valéry – Montpellier III

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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