Au Royaume-Uni, associations et militants pointent du doigt le rôle des grandes banques, des cabinets d’audit et des avocats fiscalistes.
Quand l’association Tax Justice Network (TJN) a été créée à Londres en 2003, pour lutter contre l’évasion fiscale, le combat semblait une montagne impossible à gravir. Seize ans plus tard, à la faveur de la crise financière de 2008, des progrès autrefois inimaginables ont été accomplis. Sous l’égide de l’Organisation de coopération et le développement économiques (OCDE), l’échange automatique de données fiscales entre les pays a permis de réduire la fraude, à tel point que les dépôts bancaires dans les paradis fiscaux sont en recul de 34 % sur dix ans.
Le travail est cependant loin d’être terminé. Les Etats-Unis ont refusé de faire partie de l’accord d’échange automatique et il reste plus de 1 000 milliards de dollars (892 milliards d’euros) de dépôts bancaires offshore, un chiffre qui exclut de nombreux actifs financiers.
Pour sa conférence annuelle, les 2 et 3 juillet, TJN a donc décidé de braquer son projecteur sur l’autre facette de l’évasion fiscale, à savoir ses facilitateurs : grandes banques, cabinets d’audit, fiscalistes, avocats, fonds spéculatifs… « Nous avons beaucoup dénoncé les pays qui pratiquent l’évasion fiscale, mais nous nous concentrons maintenant plus sur les entreprises qui la rendent possible, explique James Henry, professeur à l’université Yale et conseiller de TJN. Ces facilitateurs représentent une véritable industrie. » Beaucoup sont des multinationales, qui se jouent des frontières, et dont la taille gigantesque rend les Etats démunis.
Une étude suggère que ces immenses cabinets mondiaux encouragent le contournement des règles fiscales
Pendant les deux journées de la conférence, les quatre grands cabinets d’audit mondiaux (KPMG, PwC, EY et Deloitte) sont sans cesse revenus dans la discussion. « Ils ont d’une part de l’influence sur les lois, à travers leur lobbying, et d’autre part ils aident à la contourner », dénonce John Christensen, le président de TJN.
C’est particulièrement vrai au Royaume-Uni, comme le prouve l’incroyable histoire des « patent box » (littéralement, boîte à brevets). Cet avantage fiscal censé encourager la recherche a été créé par le gouvernement de David Cameron, au début des années 2010. Qui était le conseiller spécial embauché par le fisc britannique pour mettre au point cette innovation fiscale ? Un certain Jonathan Bridges, de KPMG. Une fois son travail fini, l’homme est retourné à son cabinet, qui s’est mis… à promouvoir ses services pour utiliser au mieux la « patent box ». Le conflit d’intérêts peut difficilement être plus évident : voilà le conseiller fiscal de grandes multinationales qui non seulement aide à rédiger la loi, mais ensuite retourne voir ses clients pour l’utiliser au mieux.
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