Dans ses discours, Marine Le Pen aime bien souvent répéter à ses militants la même citation de Bernanos : « L’espérance est un risque à courir. » Il ne fait pas de doute que la phrase s’est incrustée dans un coin de la tête du dernier carré de fidèles de la présidente du Front national, qui est attendue, jeudi 19 octobre, sur le plateau de « L’Emission politique » de France 2. Continuer à courir le risque « Marine » ? Ce prime time, qui représente le premier grand rendez-vous télévisé de la députée du Pas-de-Calais depuis le désastreux débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron, le 3 mai, doit convaincre certains frontistes que cela vaut encore le coup. Un rendez-vous pour essayer de rebondir, voire tout simplement d’exister, dans un débat public dominé par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, et fairesortir de la crise un parti lepéniste ankylosé.
La députée européenne Sophie Montel a beau être partie du côté des Patriotes de Florian Philippot, avec une bonne dose de rancœur dans ses bagages, elle connaît encore bien les militants et électeurs du Front national pour les avoir écoutés pendant près de trente ans. Et, selon elle, la base frontiste, qui se vit bien souvent comme une citadelle assiégée par le « système », a eu honte de la prestation de sa championne contre le futur président de la République : une honte d’autant plus forte que Marine Le Pen a été portée par ces mêmes personnes au pinacle pendant près de six ans. « Le jour du 3 mai, les gens qui soutenaient le FN en ont pris plein la tronche. L’électorat FN, c’est celui qui a le plus d’affect », assure Mme Montel. Une bombe à fragmentation lente. « Si elle veut revenir, il faut qu’elle fasse oublier le débat », convient un patron de fédération frontiste.
Rai de lumière
C’est pour cela que les proches de Mme Le Pen reconnaissent que ce rai de lumière accordé aujourd’hui par France 2 représente un moment « important », l’occasion de « tourner la page » du débat tant décrié. Le temps où Marine Le Pen repoussait les invitations de « L’Emission politique », les voiles gonflées par des sondages flatteurs et des audiences avantageuses, semble bien loin. Tout comme celui où elle pouvait se permettre d’annuler en dernière minute sa présence à l’émission « Des paroles et des actes », sur la même chaîne, pour cause de débatteurs non désirés placés face à elle.
La présidente du FN n’a cette fois pas eu le luxe de choisir la date de sa participation, ni de récuser le jeune ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, qui lui sera opposé. Un débat risqué, qui pourrait bien l’emmener sur ces questions économiques et sociales dont certains frontistes estiment qu’elles ont desservi leur cause lors de la présidentielle. Son entourage assure que, contrairement au 3 mai, l’échéance est cette fois correctement préparée.
L’émission représente aussi l’occasion pour Mme Le Pen d’acter aux yeux et aux oreilles du grand public le tournant pris par son parti sur les questions européennes, où la promesse du « Frexit » laisse désormais place à un « euroréformisme » bon teint, dans lequel l’hypothèse d’un référendum sur la sortie de l’Union européenne n’est plus évoquée que du bout des lèvres. « Ça va lui permettre de préciser qu’elle a tenu compte de la présidentielle et de ce que les gens lui ont dit », concède un proche.