La révolution numérique et la loi Pacte vont bouleverser le marché de l’expertise-comptable et du commissariat aux comptes, explique la chercheuse Marie Caussimont dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Les professionnels du chiffre vont devoir d’urgence réinventer leur offre, et les commissaires aux comptes sont les premiers concernés. La loi Pacte, en cours de finalisation au Parlement, va en effet autoriser trois entreprises sur quatre à cesser de faire certifier leurs comptes pour en garantir la sincérité. La mesure est censée alléger les contraintes des PME. Mais la loi va mettre fin à un marché qui était acquis aux commissaires aux comptes, les obligeant, pour survivre, à proposer aux PME des services innovants.
La situation va s’avérer dramatique pour les jeunes professionnels, endettés pour financer leur installation. Selon toute vraisemblance, les « Big 4 », ces cabinets internationaux qui auditent les grandes entreprises, seront les moins touchés par la loi ; ils pourront acheter à bon compte les indépendants mis en difficulté. Un fort mouvement de concentration s’amorce. La profession estime à 6 500 le nombre d’emplois qui seront supprimés.
Les cabinets d’expertise comptable sont eux aussi à un tournant, en raison de la numérisation des documents comptables. Beaucoup de PME étaient en effet restées très tardivement au « tout papier ». Ce ne sera plus possible. Depuis le 1er janvier, celles qui travaillent avec des clients du secteur public sont tenues de facturer par voie électronique. Dans un an, les TPE seront à leur tour concernées. On peut imaginer qu’une fois le pli pris, elles numériseront aussi les documents concernant leurs clients privés, d’autant que les banques leur fournissent dorénavant des relevés de compte électroniques. Pourquoi accepteraient-elles, dès lors, de continuer à payer des cabinets d’expertise comptable pour saisir manuellement des données ?
Une croissance exponentielle
Ce travail occupait une partie importante du temps des employés des cabinets et nécessitait des compétences techniques et une grande minutie. Il sera vite réduit à peu de choses. Les quelque 70 000 emplois du secteur en deçà de bac + 3 seront les premiers concernés. Déjà, ces personnels qui composaient les trois quarts de l’effectif de la branche en 1996 n’en constituaient plus que la moitié en 2014. Le mouvement devrait s’accélérer. Aux Etats-Unis, où la numérisation est beaucoup plus avancée, l’industrie comptable n’a absorbé en 2016 que 35 000 des 79 000 nouveaux diplômés.
« La situation va s’avérer dramatique pour les jeunes professionnels, endettés pour financer leur installation »
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