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En moyenne depuis dix ans en France, 140 femmes meurent sous les coups de leur conjoint. Emmanuel Macron devrait faire de la lutte contre ces crimes une « grande cause nationale ».

Editorial du « Monde ». Le mot a fait son apparition dans le débat public : un « féminicide » est le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme. Depuis 2016, l’ONU souligne dans ses rapports que c’est « la forme la plus extrême de violence contre les femmes et la plus grande manifestation de l’inégalité hommes-femmes ». Rendu visible grâce au compteur réalisé par des militantes féministes, le phénomène des féminicides conjugaux, pour ne parler que d’eux, est en augmentation constante. Dans la nuit du 26 au 27 juin, à Vaulx-en-Velin (Rhône), une femme a été tuée à coups de marteau par son conjoint. Depuis le 1er janvier, tous les deux jours – contre trois auparavant –, une femme est assassinée par son conjoint ou son ex-compagnon. Depuis le début de l’année, 73 de ces féminicides ont déjà été recensés, ce qui laisse entrevoir une aggravation quand on connaîtra les chiffres officiels de 2018. En 2017, 151 femmes sont mortes sous les coups de leur (ex-)conjoint.

Ces statistiques donnent le vertige et pourraient laisser croire que le phénomène s’est banalisé dans une sorte d’indifférence, comme si la société avouait son impuissance. Pourtant, les pouvoirs publics ne sont pas inertes. Des mesures ont été prises depuis les ordonnances de protection, les bracelets électroniques d’éloignement interdisant au porteur de menace de dépasser un périmètre donné, ou encore les « téléphones grave danger » (TGD), qui permettent de bénéficier d’une assistance immédiate grâce à un boîtier spécial. Mais elles se révèlent nettement insuffisantes face à un danger en forte croissance. On a recensé 3 332 ordonnances de protection en 2018 contre plus de 20 000 en Espagne, et 3 000 TGD contre 10 000 chez notre voisin espagnol. Depuis 2017, le gouvernement de Madrid montre l’exemple, et il a réussi à faire baisser le nombre de féminicides.

Moyens insuffisants

En France, l’arsenal mis en place est souvent mal appliqué et les moyens financiers sont insuffisants. Alors que, selon un rapport publié par des associations en 2018, 506 millions d’euros seraient nécessaires chaque année pour accompagner les femmes victimes de violences, seuls 79 millions ont été engagés. De nombreuses femmes, parmi lesquelles certaines se trouvent clairement en danger de mort, n’osent pas porter plainte ou jugent une telle démarche vaine ou humiliante. Nicole Belloubet, la ministre de la justice, a demandé, le 21 juin, une enquête à l’inspection générale de la justice pour rechercher dans des dossiers passés les signaux d’alerte qui auraient pu être négligés et repérer les fautes ou les manquements qui auraient pu empêcher les passages à l’acte.

Mme Belloubet a pris la mesure de la gravité de la situation en annonçant un changement radical de doctrine. Un texte de loi est en préparation pour généraliser le « dispositif électronique de protection anti-rapprochement » à tout le territoire et plus en amont du cycle de violences conjugales, sans attendre la condamnation de l’auteur ou même l’ouverture d’une information judiciaire. Le bracelet électronique pourra être imposé avant un jugement. Ces décisions étaient nécessaires et elles devraient être bien accueillies.

Il appartient au président de la République d’aller plus loin. Le 25 novembre 2017, l’égalité femmes-hommes a été décrétée « grande cause nationale » du quinquennat. Emmanuel Macron pourrait faire de même pour la lutte contre les féminicides et ainsi dégager des moyens à la hauteur d’un combat qui doit engager toute la société.


Source : Les féminicides, un combat de société


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