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Les pupes de moustiques tigres, qui donneront naissance à des adultes pouvant transmettre la dengue et d’autres maladies, vivent en milieu aquatique. CDC/ Amy E. Lockwood, MS / Lauren Bishop

Les cas de dengue explosent en France métropolitaine : que faut-il savoir ?

Les pupes de moustiques tigres, qui donneront naissance à des adultes pouvant transmettre la dengue et d’autres maladies, vivent en milieu aquatique. CDC/ Amy E. Lockwood, MS / Lauren Bishop
Yannick Simonin, Université de Montpellier

Un nombre sans précédent de cas de dengue a été identifié en France métropolitaine depuis le milieu de l’été. En effet, près d’une quarantaine de cas « autochtones » – autrement dit, des infections contractées sur le territoire national, sans que les malades n’aient voyagé à l’étranger – avaient déjà été rapportés à la mi-septembre, ce qui est plus que le total cumulé des 10 dernières années.

La maladie s’est par ailleurs déclarée dans des départements où elle n’avait jamais été détectée jusqu’à présent. Alors que le nombre d’infections continuera probablement à augmenter dans les jours et semaines à venir, quelles régions sont concernées ? Quelles sont les causes les plus plausibles de cette situation exceptionnelle ? Cette situation peut-elle s’avérer préoccupante ?

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Dans les Alpes-Maritimes, le foyer le plus important jamais identifié en France métropolitaine

Actuellement, sur les cinq départements touchés par la maladie, trois sont situés en région Occitanie et deux en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA).

En Occitanie, quatre cas ont été identifiés dans le même habitat, sur la commune de Salvetat Saint-Gilles, à 20 km à l’ouest de Toulouse, en Haute-Garonne ; 3 cas ont été rapportés dans la commune d’Andrest et celle, distante de 15 km, de Rabastens-de-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées ; 1 cas a été détecté à Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales. Jamais le virus de la dengue n’avait été identifié dans ces deux derniers départements.

En région PACA, les deux départements touchés sont le Var, avec six cas identifiés à Fayence et, surtout, les Alpes Maritimes avec 26 cas identifiés dans trois communes situées à moins de 10 km de distance les unes des autres : Saint Jeannet, Gattières et La Gaude. La proximité géographique et temporelle – ils se sont déclarés sur un mois – de ces nouveaux cas penche en faveur d’un seul et même épisode de circulation du virus sur ces trois communes. Ce foyer est d’ores et déjà le plus important jamais identifié en France métropolitaine. Il est toujours actif, les derniers cas ayant été identifiés début septembre. D’autres cas seront probablement identifiés prochainement.


Jusqu’à présent, le nombre d’infections autochtones de dengue restait très limité en France métropolitaine. Il était estimé à moins d’une trentaine depuis le premier cas rapporté en 2010, avec bien souvent seulement quelques infections identifiées par an. Le nombre de cas rapportés cette année dépasse donc déjà l’ensemble des cas identifiés ces 15 dernières années.

Soulignons par ailleurs que la dengue étant souvent asymptomatique (dans environ 70 % des cas), elle peut passer largement inaperçue. En outre, avec la pandémie Covid-19, le diagnostic des autres maladies virales a probablement été sous-évalué au cours des deux dernières années. Cela a pu concerner notamment différentes arboviroses, dont la dengue. Le nombre de cas réel est donc probablement fortement sous-estimé.

Pourquoi une telle explosion ? S’il était difficile d’anticiper une hausse de la circulation de la dengue telle que celle que nous vivons en 2022, ces dernières années plusieurs éléments précurseurs laissaient présager une augmentation des maladies à transmission vectorielle.

Le moustique vecteur a envahi notre territoire

Répartition du moustique tigre en France métropolitaine et en Corse, en janvier 2022. Ministère des Solidarités et de la Santé

Le virus à l’origine de la dengue est transmis par les espèces de moustiques appartenant au genre Aedes, dont fait partie le moustique tigre (Aedes albopictus). Or, depuis sa première détection sur notre territoire, en 2004 à Menton, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayées de blanc originaire d’Asie du Sud-Est et de l’océan Indien n’en finit pas d’augmenter son aire de répartition française.

En moins de 20 ans, il a envahi 67 départements métropolitains sur 96 (contre seulement 58 en 2020 !). Sa propagation sur l’ensemble du territoire est inexorable.

Le moustique tigre est notamment reconnaissable à ses pattes rayées de blanc. Pxhere

À l’origine d’une gêne importante en période estivale (certaines zones touristiques en sont infestées), le moustique tigre est capable de transmettre, en plus du virus de la dengue, divers virus responsables de maladies chez l’être humain, dont le virus Zika ou celui du chikungunya. Son extension sur notre territoire augmente le risque de propagation des maladies qu’ils provoquent.

Actuellement, parmi ces trois virus responsables de maladies tropicales, le virus de la dengue est le plus présent en France métropolitaine, en particulier dans les régions du sud, où la densité de moustiques tigres est la plus importante.

Un risque augmenté par les changements environnementaux et climatiques

Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique et l’activité des moustiques. Elles augmentent notamment dans certains cas leur prolifération et leur durée de vie.

L’été que nous avons vécu, exceptionnel par son alternance de chaleurs caniculaires et d’épisodes pluvieux intenses, notamment dans les régions du sud, a entraîné une augmentation importante du nombre de moustiques.

En effet, si leurs œufs ont besoin d’eau pour achever leur processus de développement, ils sont néanmoins très résistants dans l’environnement. En cas de sécheresse, ils peuvent rester viables jusqu’à plusieurs années, ce qui leur permet de survivre en attendant que les conditions de leur éclosion redeviennent favorables.

Cette explosion des populations de moustiques a augmenté le risque de transmission du virus de la dengue, lui-même déjà accru par la reprise des échanges internationaux et du tourisme.

Tourisme et échanges commerciaux favorisent la dissémination des pathogènes

Les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle depuis quelques décennies, peuvent faciliter la dissémination de maladies virales, et notamment des maladies propagées par des vecteurs comme le moustique.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections de dengue provenant de personnes revenant de voyage hors Antilles a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise du trafic aérien cette année, une hausse des cas importés a été observée : du 1er mai au 2 septembre 2022, Santé publique France a dénombré 165 cas importés de dengue en France, soit déjà autant que pour l’ensemble de l’année 2021…

Ces cas importés sont autant de risque d’apparition de foyers « locaux », dès lors que le moustique vecteur de la maladie est présent sur place. Et ce, d’autant plus que la dengue est l’arbovirose la plus fréquente et la plus répandue dans le monde.

Comment se transmet la dengue ?

Originaire d’Afrique, le virus de la dengue est un arbovirus, de l’anglais « ARthropod-BOrne VIRUS », virus transmis par des insectes se nourrissant de sang. Il appartient au genre Flavivirus, comme le virus Zika, ou les virus de la fièvre jaune et du Nil occidental, d’autres arbovirus.

Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère le sang dans lequel le virus de la dengue est présent. Ce dernier va alors se multiplier dans le corps du moustique, lequel le transmettra à un autre individu lors d’une nouvelle piqûre.

Les premiers cas de dengue ont été répertoriés au XVIIIe siècle sur le continent américain. Cette affection est bien connue dans de nombreuses régions tropicale et subtropicale du globe, de l’Afrique, à l’Asie en passant par l’Amérique latine. Les territoires français d’outre-mer ne sont pas épargnés : la Réunion, la Guadeloupe ou la Martinique ont subi des épidémies récurrentes ces dernières années.

Une maladie souvent asymptomatique, mais parfois grave

La dengue est parfois qualifiée de « grippe tropicale », car ses symptômes sont le plus souvent de type pseudogrippal : les malades ont de la fièvre, des maux de tête, des courbatures… Ils peuvent également parfois développer une éruption cutanée.

Les manifestations de la maladie surviennent entre 3 et 14 jours après la piqûre par le moustique, avec une moyenne de 4 à 7 jours. Le malade guérit généralement spontanément en quelques jours, mais une fatigue importante persiste pendant plusieurs semaines.

Les particules du virus de la dengue, rondes et sombres, sont bien visibles sur cette image prise au microscope électronique à transmission. Frederick Murphy/CDC

À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue. Un vaccin existe (Dengvaxia), mais il reste peu utilisé en raison de nombreuses limitations concernant son utilisation. Ce vaccin présente en effet l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue. Il est surtout prescrit à des personnes vivant dans des zones d’endémie, et qui ont déjà été infectées par le virus de la dengue.

La prise en charge de la maladie consiste principalement à soigner les symptômes, notamment de la douleur et de la fièvre. L’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont formellement contre-indiqués du fait du risque hémorragique.

Le principal problème associé à la dengue est le risque de développer ce qu’on appelle une dengue sévère ou dengue hémorragique, qui peut se compliquer d’un état de choc souvent mortel. La dengue hémorragique se manifeste notamment par une détresse respiratoire associée à des hémorragies multiples.

Heureusement, cette forme de dengue ne touche qu’un petit pourcentage des personnes infectées : 1 % à 5 % d’entre elles sont concernées. Il arrive que certains individus développent également des atteintes neurologiques sévères, telles que des encéphalites, mais ces complications sont extrêmement rares.

Quatre types de virus différents, mais pas d’immunité croisée

On distingue quatre types de virus de dengue différents, qui se différencient les uns des autres par de subtiles modifications dans leurs antigènes (les antigènes sont des structures dont la détection par le système immunitaire entraîne sa réaction et la production d’anticorps – il peut s’agir de protéines, de lipides, de sucres, etc.).

Ces quatre sérotypes de virus de dengue, nommés DENV-1, DENV-2, DENV-3 et DENV-4, bien que relativement similaires, sont suffisamment différents pour ne pas conférer une protection croisée à long terme. Autrement dit, si l’infection par l’un des sérotypes nous immunise contre lui, elle n’offre pas de protection contre les trois autres. On peut donc être consécutivement infecté par les 4 sérotypes de dengue au cours de sa vie.

En France métropolitaine, au moins deux sérotypes, DENV-1 et DENV-3, ont été identifiés cette année. Cela signifie que le virus de la dengue a été introduit cet été sur le territoire à plusieurs reprises.

La lutte contre les moustiques comme moyen de prévention

Après la découverte de cas d’infection, le même scénario se met en place : des opérations de démoustication sont menées à proximité des cas détectés, accompagnées d’actions de sensibilisation auprès du public et des professionnels de santé (ainsi que lors d’enquêtes de porte-à-porte), menées en collaboration avec les ARS, Santé publique France et des agences de démoustication telles que Altopictus ou l’Entente interdépartementale de démoustication.

Actuellement les meilleures façons d’éviter la propagation des virus tels que celui de la dengue, transmis par les moustiques, est de limiter la prolifération de ces insectes et de se protéger de leurs piqûres.

Le cycle de vie des moustiques passe par le milieu aquatique.

Pour réduire le développement des larves de moustique, il est recommandé de vider tous les récipients d’eau stagnante, notamment les coupelles des pots de fleurs et les arrosoirs, et de couvrir les réceptacles d’eau de pluie, surtout en période de fortes précipitations. Pour limiter le risque de se faire piquer, il est recommandé d’utiliser des répulsifs adaptés, et de porter des vêtements amples et couvrants.

Le renforcement des réseaux de surveillance reste actuellement une des meilleures stratégies pour lutter contre ces nouvelles menaces difficiles à anticiper. Fort heureusement, dans notre pays, la menace des arbovirus, dont la dengue, demeure pour l’heure sporadique et le risque d’épidémie, limité.

Yannick Simonin, Virologiste, maître de conférences en surveillance et étude des maladies émergentes, Université de Montpellier

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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