La reine était au courant depuis la veille, mais c’était probablement la seule à l’être, ou presque. Les médias, les partis politiques, les députés et même les ministres ont été totalement pris par surprise. Une fois de plus, Theresa May a décidé seule et sans consultation, confirmant la réputation qu’elle traîne depuis son passage au ministère de l’Intérieur, celle d’une femme politique extrêmement réservée et qui déteste déléguer. Certains des ministres, sortant de la réunion de cabinet qui a précédé l’annonce mardi matin de la convocation d’élections anticipées pour le 8 juin, ne cachaient pas qu’ils tombaient des nues.
Lorsque la nouvelle d’une déclaration imminente de la Première ministre sur le perron du 10, Downing Street - une chorégraphie réservée aux moments graves - est tombée, à peine une heure avant qu’elle ne se présente devant les micros, les spéculations ont fleuri, des plus vraisemblables aux plus loufoques : démission pour raisons de santé, annulation du Brexit, indépendance de l’Ecosse, annonce de la démission du Français Arsène Wenger du club de foot d’Arsenal, ou encore élections anticipées. C’est finalement la dernière option, de loin la plus logique, qui l’a emporté.
Sans un sourire, Theresa May a annoncé agir dans «l’intérêt national du pays» en convoquant des élections anticipées dans moins de sept semaines. Elle a affirmé avoir pris cette décision «récemment et avec réticence». Il n’y a effectivement guère de doutes que le choix de la Première ministre est extrêmement récent. Car elle n’a cessé, depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2016, de répéter haut et fort qu’il n’était pas question de déclencher des élections anticipées. Secoué, divisé après le référendum sur le Brexit du 26 juin, le Royaume-Uni avait besoin de stabilité, de calme et certainement pas d’un nouveau scrutin, a-t-elle répété à l’envi. D’autant que depuis deux ans, les Britanniques ont été régulièrement appelés aux urnes, pour des élections générales, à deux reprises pour l’élection du chef du Parti travailliste, et pour le référendum sur le Brexit. Sans compter le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse en septembre 2014.
Revirements
En dix mois aux commandes du pays, Theresa May aura donc opéré deux revirements plutôt radicaux. Après avoir fait campagne pour rester dans l’Union européenne, elle s’est depuis vigoureusement déclarée en faveur du Brexit, et même du plus dur des Brexit, accompagné d’une sortie du marché unique et de l’union douanière. Et voilà qu’elle décide de se présenter devant les électeurs après s’être farouchement opposée à l’idée.
Les prochaines élections auraient dû avoir lieu en mai 2020. Sous le précédent Premier ministre, le conservateur David Cameron, les règles avaient été changées, instaurant une législature fixe de cinq ans. Pour convoquer des élections anticipées, le gouvernement doit désormais s’appuyer sur l’approbation des deux tiers des députés. Cette décision avait été prise pour limiter la tendance, développée au cours des années, de voir un gouvernement convoquer des élections anticipées pour accroître sa majorité à un moment favorable.
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