Face à un tourisme de masse galopant, les riverains de grandes villes se mobilisent. Entre actions violentes et manifestations, ils demandent une régulation efficace afin de ne pas dénaturer leur ville soumise à une pression immobilière croissante.
Afuera los turistas ! C'est un slogan fort peu sympathique que l'on peut lire de plus en plus souvent sur les murs du Barrio gotico de Barcelone ou dans les ruelles de San Sebastian. On l'entendra certainement aujourd'hui dans la cité basque à l'occasion d'un rassemblement contre le tourisme de masse, alors que débutent les fêtes annuelles.
Dehors les touristes ? Étonnant venant d'un pays qui en accueillera 80 millions en 2017 et qui tire 11,2 % de son PIB de la manne touristique. Mais voilà, le tourisme de masse nourrit parfois des ressentiments au sein des populations locales. C'est d'ailleurs notamment sur ce terrain que la maire de Barcelone, Ada Colau, s'est fait élire avec le soutien du parti Podemos. Elle a déjà sévèrement encadré l'activité des plateformes type Airbnb, véritable pompe aspirante à touristes, et gelé l'expansion des projets hôteliers.
Les Barcelonais supportent en effet de moins en moins les cohortes (alcoolisées) d'Anglais, d'Hollandais, d'Allemands… qui dévalent les ramblas, souillent les rues piétonnes, font grimper le prix de l'immobilier… Si la majorité des Barcelonais se mord la langue en silence devant ce spectacle qui défigure leur ville, de petits groupes ont décidé de passer à l'action. Depuis quelques semaines des activistes du collectif Aran, lié à l'extrême gauche, multiplient les actions coups de poing contre les touristes. Fin juillet, ils ont stoppé un car de vacanciers avant de lui crever les pneus et d'écrire à la peinture sur le pare-brise : «Le tourisme tue les quartiers». À Palma de Majorque, ils ont lancé une opération de collage d'autocollants sur les voitures de location utilisées par les touristes. Ils ont même investi bruyamment le port de l'île des Baléares avant d'arroser de confettis les vacanciers attablés aux restaurants et tout en bloquant des bateaux.
Un tourisme qui appauvrit
En accueillant toujours plus de touristes (+12 % en 2017) en raison de la désaffection pour les pays du Maghreb, les capacités d'accueil espagnoles frisent la cote d'alerte. Les propriétaires transforment leurs logements en location saisonnière sur Airbnb ce qui tarit le nombre de biens pour les habitants, incapables de se loger dans les centres touristiques. Le prix du mètre carré, hors de contrôle, flambe. Les mouvements de contestation arguent aussi que les citoyens ne profitent qu'à la marge des retombées du tourisme. D'ailleurs le slogan phare scandé à San Sebastian aujourd'hui sera : «Votre tourisme, la misère des jeunes». Voilà les racines de la protestation. Le mouvement n'a cessé de s'amplifier au point de prendre une tournure politique. Le Président du gouvernement lui-même a pointé du doigt des «extrémistes» qualifiant leurs actions d'«aberration». Mariano Rajoy en appelle à la mesure pour préserver l'une des richesses économiques du pays. Sera-t-il entendu?
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