Le Rassemblement national (RN) joue gros, lundi 6 août, devant la justice : brandissant la menace d’un dépôt de bilan, le parti, ex-Front national (FN) devenu RN, va tenter de faire annuler la saisie de 2 millions d’euros d’aides publiques ordonnée dans l’enquête sur ses assistants présumés fictifs au Parlement européen.
Les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris se pencheront à huis clos sur le recours déposé par le parti de Marine Le Pen contre cette saisie judiciaire en date du 28 juin.
En rendant publique cette mesure le 8 juillet, le parti a crié à l’« assassinat politique ». Il a agité la menace d’une cessation de paiements s’il ne récupérait pas cette somme représentant une partie de l’acompte qui devait lui être versée en juillet au titre de l’aide d’Etat calculée selon ses résultats aux législatives, soit une manne de 4,5 millions d’euros par an.
Pour renflouer ses caisses, le parti a lancé un appel aux dons au nom du « pluralisme », qui lui a permis de récolter quelque 500 000 euros. Mais « le compte n’y est pas », a estimé jeudi Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national.
L’affaire des assistants parlementaires
Le gel de la dotation a été décidé par les juges d’instruction Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke qui enquêtent depuis fin 2016 sur un possible « système » organisé par le parti et sa présidente Marine Le Pen pour faire prendre en charge par le Parlement européen des salaires du parti, via des contrats d’assistants parlementaires présumés fictifs.
Le parti, « de manière concertée et délibérée, a organisé le système de détournement de ces fonds européens à son profit », écrivent-ils dans leur ordonnance qu’a pu consulter l’AFP. Le dossier totalisait début juillet quatorze mises en examen dont celles du Rassemblement national ; de l’eurodéputé Nicolas Bay, pressenti pour conduire la liste du RN aux prochaines élections européennes en 2019 ; et des ex-élus Marine Le Pen et son compagnon Louis Aliot.
L’information judiciaire, ouverte pour « abus de confiance » et « escroquerie en bande organisée », cible 17 députés et les contrats d’une quarantaine d’assistants parlementaires. Préjudice évalué par le Parlement européen : 6,8 millions d’euros entre 2009 et 2017, sur deux mandatures.
« Coup d’Etat »
Cette saisie pénale, mesure utilisée dans les affaires de criminalité organisée et de grande délinquance financière, est une première pour un parti politique. Dans leur ordonnance, les magistrats la justifient par l’endettement du parti et le risque en conséquence d’une « dissipation » des sommes.
« Il est à craindre que cette somme soit affectée au remboursement d’emprunts (...) et qu’en cas de condamnation à payer des dommages et intérêts au Parlement européen ou à une amende, ceux-ci ne puissent pas être recouvrés », argumentent les juges, concluant au caractère « non disproportionné » de cette confiscation conservatoire.
« Coup d’Etat » des juges, « peine de mort » contre le RN, « persécution » : Marine Le Pen a multiplié les attaques contre cette décision. Sur le plan judiciaire, le RN affirme que la saisie n’a « aucun fondement légal ». « La subvention d’Etat versée par le ministère de l’intérieur à tous les partis n’est pas confiscable car elle n’a aucun lien direct avec l’abus de confiance reproché au Rassemblement national », déclare Rodolphe Bosselut, avocat de Marine Le Pen.
Le RN fait valoir aussi que le Parlement européen a déjà lancé des procédures pour récupérer les sommes liées à des emplois présumés fictifs d’assistants, mais seuls sept élus sont concernés par ce recouvrement. La décision des magistrats de la cour d’appel devrait être rendue rapidement. Selon des sources proches du dossier, le parquet général demande la confirmation de la saisie dans ses réquisitions écrites.
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