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La végétalisation des villes augmente-t-elle les risques de maladie ?

Les espaces verts urbains améliorent la qualité de vie des citadins, mais peuvent aussi faciliter la dissémination de certains vecteurs de maladies infectieuses, ou de pollens allergisants. Jean-Louis Zimmermann/Wikimedia Commons, CC BY
Florence Fournet, Institut de recherche pour le développement (IRD); Didier Fontenille, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Frédéric Simard, Institut de recherche pour le développement (IRD)

De la plantation d’arbres à la mise en place de « trames vertes » en passant par la préservation ou la création de zones humides, de jardins partagés, ou de toitures végétalisées, nos villes ont reverdi ces dernières années.

Cette végétalisation, cependant, ne se fait pas sans contreparties. La production par les plantes de pollens ou de molécules volatiles allergisantes peut, par exemple, avoir des conséquences délétères sur la santé. Par ailleurs, ces espaces verts favorisent aussi l’installation de vertébrés (oiseaux, rongeurs…), d’insectes (moustiques…) et autres acariens (tiques…) pouvant être réservoirs ou vecteurs d’agents infectieux responsables de maladies, non seulement pour les populations humaines, mais aussi pour les plantes ou les animaux. Des hôtes indésirables dont la circulation peut être facilitée par la connectivité des zones végétalisées, entre elles et avec l’extérieur de la ville…

Tous ces facteurs doivent impérativement être pris en compte lorsqu’il s’agit de décider de l’implantation, de la gestion et de l’utilisation par les habitants des espaces verts urbains.

Pourquoi végétaliser les villes ?

Améliorer durablement la santé et le bien-être des citadins est une priorité et un défi majeur pour les États et les collectivités territoriales. La tâche est d’autant plus complexe dans le contexte global du changement climatique et de la mondialisation, qui rendent cruciale la préservation de l’environnement et de la biodiversité.

La végétalisation des villes fait partie des approches mises en œuvre pour atteindre cet objectif et rendre les villes de demain agréables à vivre, saines, résilientes et durables. Elle consiste à introduire des éléments naturels dans le milieu urbain, aussi bien des espaces verts que des plans d’eau, pour lutter efficacement contre les îlots de chaleur, réduire la pollution de l’air et favoriser la biodiversité en ville.

Disposer d’espaces verts en ville a également pour conséquence d’améliorer le bien-être des citadins, comme l’ont révélé de nombreuses études menées un peu partout sur la planète. Végétaliser les villes contribue en effet sensiblement à l’amélioration de la santé physique et mentale des habitants, notamment en offrant l’opportunité de pratiquer de l’exercice en extérieur, ou encore en renforçant la cohésion sociale.

Disposer d’espaces verts en ville améliore le bien-être des habitants. Guilhem Vellut/Wikimedia, CC BY

Il faut cependant souligner que les quartiers les moins favorisés restent souvent en marge des projets d’aménagement urbains, ce qui pourrait ainsi contribuer à creuser davantage les inégalités au sein des environnements complexes et fragmentés que sont les villes contemporaines.

Par ailleurs, la conservation ou la restauration de la biodiversité végétale en ville peut permettre la création d’environnements particulièrement propices à l’installation et à la pullulation d’espèces d’invertébrés ou de vertébrés indésirables, porteurs ou transmetteurs d’agents infectieux à fort potentiel épidémique.

Des liens entre risques vectoriels et espaces verts

Peu d’études sont disponibles à ce jour sur le sujet, mais plusieurs rapports soulignent le lien entre la présence d’espaces verts et le risque d’émergence d’une transmission vectorielle au cœur des villes.

Ainsi, l’épidémie de dengue qui a sévi à Tokyo en 2014 était circonscrite au parc de Yoyogi. Situé en centre-ville, cet endroit est connu pour servir de refuge au moustique tigre (Aedes albopictus), le vecteur du virus responsable de cette maladie.

De même, la recrudescence des cas de leishmaniose observée à Madrid entre 2009 et 2012 a été reliée à l’aménagement d’une forêt qui a favorisé la pullulation, aux abords immédiats de la capitale, du moucheron vecteur et du lièvre réservoir du protozoaire parasite responsable de la maladie.

Dans son dernier rapport, l’ECDC pointe par ailleurs du doigt le rôle que pourraient jouer les parcs urbains dans l’introduction du virus du Nil occidental (West Nile virus) dans nos villes. Transmis par les moustiques du genre Culex (les moustiques « communs », abondants dans toutes les villes de France), ce virus infecte non seulement les oiseaux, mais aussi les équidés (chevaux, ânes, poneys…) et les humains, chez lesquels il peut entraîner des encéphalites. Or, en ville, les parcs attirent de nombreuses espèces d’oiseaux. Des cas de fièvre du Nil occidental ont été identifiés pour la première fois à Bordeaux au cours de l’été 2023, soulignant l’importance de cette alerte.

Les villes des pays du Sud font également face au problème. Dans les années à venir, l’essentiel de la croissance urbaine s’y produira, en particulier sur le continent africain. C’est aussi dans ces endroits que les conséquences du changement climatique seront les plus aiguës.

Si la végétalisation des villes des pays du Sud n’est pas encore entrée dans les agendas des décideurs politiques, certaines villes comme Dakar sont néanmoins relativement vertes. Ceci est notamment dû à l’importance de l’agriculture urbaine, largement encouragée comme un moyen de nourrir les populations et de générer des revenus.

Or, ces espaces sont très propices au développement de moustiques comme Anopheles gambiae, vecteur du parasite responsable du paludisme, ce qui accroît le risque de transmission de la maladie au cœur des zones urbaines et péri-urbaines densément peuplées.

Des corridors écologiques qui favorisent la pénétration des vecteurs

Relier les grands parcs urbains aux forêts périphériques par des corridors écologiques peut également faciliter l’introduction et l’établissement de petits rongeurs, voire d’animaux de plus grande taille (sangliers…). Ceux-ci peuvent véhiculer d’autres vecteurs d’agents infectieux : les tiques, des acariens parasites porteurs de nombreux micro-organismes pathogènes pouvant entraîner des maladies parfois graves, telles que d es encéphalites, certaines fièvres hémorragiques et la borréliose de Lyme.

En 2017, à Staten Island (New York, États-Unis), la connectivité des parcs et la densité des arbres ont influencé la densité des populations de la tique Ixodes scapularis et leur taux d’infection par Borrelia burgdorferi, l’agent responsable de la maladie de Lyme. Cette tendance se vérifie également en Europe, avec une augmentation des cas de maladie de Lyme et d’encéphalite à tiques observée depuis 2010 dans les zones urbaines et périurbaines végétalisées.

Des risques qui ne concernent pas uniquement l’être humain

Les plantes elles-mêmes ne sont pas épargnées par les risques vectoriels qui pourraient émerger au sein des villes, et les conséquences agronomiques de telles émergences pourraient être importantes pour les plantations péri-urbaines.

Ainsi, en Californie, la contamination des plantations d’agrumes entourant les villes par la maladie du dragon jaune (HuangLongBing, HLB) semble trouver son origine dans les jardins privés desdites villes. Cette maladie est provoquée par une bactérie propagée par un minuscule insecte piqueur suceur de sève, le psylle asiatique des agrumes (Diaphorina citri). Or, il semblerait que les agrumes plantés par les particuliers constituent des réservoirs pour les populations de psylle.

Le psylle des agrumes (Diaphorina citri), qui transmet la maladie responsable de la grave maladie du dragon jaune. Florida Department of Agriculture -- Jeffrey Weston Lotz, CC BY

Cet exemple illustre le rôle des plantes ornementales dans l’introduction de maladies en ville, lesquelles pourraient ensuite s’exporter à la périphérie sur les végétaux, cultivés ou non. Une situation qui inquiète particulièrement les organismes chargés de la surveillance de la santé des végétaux et des cultures, notamment celles des vignes ou des arbres fruitiers.

Végétaliser les villes est indispensable pour un futur durable. Mais de la même façon qu’il faut réfléchir aux essences à planter du fait du changement climatique, de la raréfaction de la ressource en eau ou encore des risques de développement d’allergies aux pollens, il est également essentiel d’anticiper les impacts qu’auront ces aménagements sur les vecteurs et la transmission vectorielle.

Des recherches co-construites avec l’ensemble des citoyens et des acteurs de la ville, de la santé publique, vétérinaire et de l’environnement doivent permettre d’éclairer les politiques publiques dans la planification et le déploiement des trames vertes et bleues au sein des territoires urbains de demain pour assurer des résultats à la hauteur des ambitions affichées.

Florence Fournet, Directrice de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD); Didier Fontenille, Directeur de recherche, spécialiste des maladies vectorielles, Institut de recherche pour le développement (IRD) et Frédéric Simard, Directeur de Recherche, entomologie médicale, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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