Si les algorithmes de Shazam offrent une aide substantielle à la SACEM pour traquer la diffusion non déclarée de morceaux originaux, ils se retrouvent complètement démunis face à une reprise. C'est là que l'IRCAM entre en scène : dix années de recherche sur l'indexation musicale ont permis à l'institut français de mettre au point des algorithmes capables d'extraire l'essence d'une chanson, indépendamment de son enregistrement ou de son interprétation.
"Indépendamment de l'enregistrement ou de l'interprétation" : c'est bien là que réside toute la difficulté de l'exercice. Voyez-vous, pour un être humain, il est enfantin de reconnaître que le Hurt de Johnny Cash est une reprise de celui de Nine Inch Nails, mais n'a absolument rien à voir avec celui de Christina Aguilera. Pourquoi ? Parce qu'à nos oreilles, pas loin de celles de la loi, un morceau est défini par une progression harmonique, une mélodie et/ou un texte. Pour Shazam en revanche, un morceau est défini par une constellation de marqueurs tempo-fréquentiels : il suffit de décaler une seule note d'une milliseconde pour que l'algorithme ne reconnaisse plus le morceau.
Ainsi, non seulement Shazam n'est pas en mesure de reconnaître qu'un morceau est une reprise (à ses yeux, ce sont deux chansons totalement différentes), mais il n'est pas non plus capable de percevoir qu'un artiste est en train d'interpréter son propre morceau — à moins que ce soit un playback (vous connaissez désormais une manière quasiment infaillible de démasquer un chanteur).
Il fallait donc un outil permettant à la SACEM d'identifier les musiques utilisées sans autorisation ni déclaration, une technologie capable de reconnaître une composition indépendamment de l'arrangement, de l'instrumentation, du genre, de la tonalité, du bpm ou de l'interprète. C'est ainsi qu'en janvier naissait une collaboration avec l'IRCAM.
« Si quelqu'un interprète Let it Be avec sa propre guitare et poste la vidéo sur YouTube, aucune technique ne permet aujourd'hui de dire qu'il s'agit bien du Let it Be des Beatles. Pour ce faire, il faut partir du signal audio, isoler les différentes hauteurs de musique et parmi ces hauteurs, décider laquelle est la mélodie. »
Lire la suite : La SACEM fait appel à l'IRCAM pour surveiller ses droits d'auteur