Au-delà de la diminution des indemnités des plus précaires, le gouvernement vise à transformer une assurance collective en épargne individualisée, déplore, dans une tribune au « Monde », le sociologue Jean-Pascal Higelé.
Le gouvernement a, au 1er novembre, fortement restreint par décret l’accès à l’indemnisation du chômage, alors que déjà plus de la moitié des chômeurs n’est pas indemnisée. La durée de cotisation minimale pour ouvrir des droits passe de quatre à six mois et la période dans laquelle on comptabilise ces mois est réduite de vingt-huit à vingt-quatre mois. Le rechargement des droits ne se fera qu’au seuil de six nouveaux mois d’emploi au lieu d’un mois auparavant. L’indemnisation des plus hauts salaires devient dégressive au septième mois.
Mais, pour certains, le plus dur est à venir. Au 1er avril 2020, le calcul du montant de l’indemnisation ne se fera plus sur la base de la moyenne des salaires des jours travaillés dans le mois, mais sur celle de la moyenne des salaires sur la période allant du début du premier contrat à la fin du dernier contrat de travail, y compris les jours non travaillés.
Cette règle ne change rien pour des salariés stables tombant au chômage. Mais elle a un impact majeur pour ceux qui occupent des emplois de manière discontinue dans l’hôtellerie-restauration, les Ehpad, le nettoyage, le spectacle, la sécurité, etc. Pour ces intermittents de l’emploi toujours plus nombreux – le nombre des contrats de moins d’un mois a été multiplié par 2,7 entre 2000 et 2017 –, le nouveau mode de calcul réduira fortement le montant de leurs droits en les diluant dans la durée.
Modeste système de bonus-malus
Le décret permet aussi d’honorer la promesse d’indemnisation des démissionnaires ou des indépendants, mais de manière limitée. Il instaure aussi un modeste système de bonus-malus qui fait varier le taux de cotisation patronale d’assurance-chômage d’une entreprise en fonction du nombre de ses fins de contrat de travail, relativement aux pratiques du secteur d’activité. Ce système, qui ne prendra effet qu’en 2021, ne concernera que les entreprises de plus de onze salariés dans sept secteurs d’activité, et le taux de cotisation patronale ne variera qu’entre 3 et 5,05 % (contre 4,05 % pour tous aujourd’hui).
Cette réforme de l’indemnisation du chômage prétend donc s’attaquer à la précarité… en réduisant les droits des plus précaires ! Selon le gouvernement, l’assurance-chômage serait devenue une subvention à l’emploi discontinu en indemnisant les périodes récurrentes de chômage. Il faudrait dès lors détourner les chômeurs et les entreprises du recours aux contrats courts par ces mesures de désincitation.
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