Créteil (AFP) - "Attention, elle a les moyens de vous faire chanter". La cantatrice Malika Bellaribi-Le Moal sourit à la boutade de ses élèves: voilà plus de quinze ans qu'elle pousse les femmes des quartiers populaires à s'affirmer avec ses ateliers de chant.
La nuit tombe sur le centre social Petit-Prés-Sablières à Créteil (Val-de-Marne). De curieux bruits filtrent à travers la porte taguée sur le côté du bâtiment: inspirations, râles, vocalises, douze femmes s'échauffent. Ce soir, elles s'attaquent à "Cavalleria Rusticana", un opéra italien du XIXe siècle.
Et pas question d'être dans la demi-mesure pour les choristes amateurs (parmi lesquels deux hommes). "Sois vulgaire, pourquoi tu veux être jolie, là? Sors-moi un truc bien bestial!", lance la cantatrice pendant les exercices.
La "diva des quartiers", comme on la surnomme, suit chacune de près. Corriger la posture pour ne pas entraver le diaphragme, serrer les fesses, valser en chantant à tue-tête avec une élève pour la décrisper. "L'instrument, c'est le corps".
Soudain, le piano s'anime, les choeurs démarrent. Douze femmes, douze voix qui s'accordent ou se répondent sur un air bucolique. La salle de classe, avec ses photos monochromes du quartier accrochées aux murs, se transforme en petit bout de campagne italienne.
"Le chant, c'est une manière de voyager", sourit l'une des élèves, Eliane Dogué, 65 ans.
Pour Mme Bellaribi-Le Moal, le voyage a débuté en 1999, après un concert d'art lyrique qu'elle avait donné à Creil (Oise). Présente dans le public, la directrice du centre d'art contemporain lui propose de concevoir un projet pédagogique pour les femmes et les enfants des quartiers populaires de la ville.
"Pas sûre d'être à la hauteur", elle hésite. Mais à Creil, la fille d'immigrés algériens voit "la terre battue, le désoeuvrement et le racisme, comme au bidonville" de Nanterre, où elle est née en 1956. Six mois plus tard, elle s'engage.
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