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L’avenir des médias et de l’influence repose-t-il sur les newsletters ?

Les newsletters, une stratégie payante pour les médias?
Ali Ahmadi, Université de Tours

Faites-vous partie des abonnés aux newsletters proposées par Le Monde, Les Echos, ou The Conversation ? Ces envois réguliers par mail – quotidiens, hebdomadaires ou mensuels – ne se limitent pas à une simple transmission périodique d’informations, mais correspondent à une stratégie de diffusion de l’information, dans un contexte où il est de plus en plus difficile de capter et de retenir l’attention.

Sur les réseaux sociaux, les préférences des utilisateurs sont en constante évolution. Sursollicités, ils expriment une forme de lassitude. Au fil du temps, l’attention du public se fait de plus en plus rare et précieuse, en raison de la concurrence permanente des réseaux sociaux, qui contribuent à brouiller la frontière entre les journalistes et les influenceurs. Les algorithmes orchestrent les préférences et régulent l’accès aux articles produits par les médias et aux autres contenus. Dès lors, malgré un grand nombre d’abonnés à sa page Facebook ou de followers sur Instagram, aucun média ne peut s’assurer de la visibilité et de la lecture effective de ses articles, même lorsque les lecteurs ont manifesté de l’intérêt en « likant » la page.

Le retour en force des newsletters

Dans ce contexte, les nouvelles entreprises médiatiques exclusivement numériques (les pure players) ont compris l’intérêt des newsletters, qui font un retour en force avec quelques améliorations par rapport à leurs versions précédentes des années 2000.

Selon Nic Newman, auteur du rapport de 2024 de Reuters et de l’Université d’Oxford sur l’avenir et la consommation des médias, l’essor croissant de l’usage des appareils mobiles joue un rôle déterminant dans le regain de popularité des newsletters par e-mail. Au sein de cette enquête, 77 % des auteurs interrogés déclarent leur intention de renforcer leurs efforts dans le développement de liens directs avec les consommateurs à travers des sites web, des applications, des newsletters et des podcasts.

Selon une enquête menée en 2023 auprès de spécialistes du marketing, l’envoi de newsletters est l’un des principaux usages des campagnes par e-mail, juste après la sensibilisation aux produits et les promotions.

Considérées comme un outil puissant par les médias qui les utilisent, les plates-formes qui permettent d’envoyer des newsletters comme Mailjet, Sarbacane, Brevo et Mailchimp offrent un moyen direct et efficace de communication avec les abonnés, permettant une large diffusion d’informations, fidélisation de l’audience et création d’une communauté. L’e-mail garantit une relation continue et permet d’afficher un bouton « répondre » ; il offre des opportunités qui contribuent à réduire la distance entre l’auteur et le lecteur.

La personnalisation, la fréquence d’envoi et la valeur ajoutée du contenu sont des éléments clés pour le succès d’une newsletter. Écrivains, journalistes et créateurs de contenu l’ont bien compris et utilisent beaucoup Substack, une application américaine.

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En France, il existe un équivalent : Kessel Media, une start-up créée en juin 2022 pour aider les créateurs de contenu à se développer et à générer des revenus. Sur cette application, les contributeurs restent propriétaires de leur newsletter et de leur liste d’abonnés, rejoignant une communauté d’auteurs prêts à échanger des conseils et à s’entraider.

Ces newsletters indépendantes sont rédigées par des individus qui se concentrent sur des niches spécifiques dont ils ont une expertise approfondie. Citons parmi les plus populaires Hugo Clément (« actualité écolo et culturelle »), Louise Aubery (influenceuse qui prône l’acceptation de soi) ou encore Rose Lamy (sexisme ordinaire dans les médias). Ils proposent des idées, des analyses et des commentaires ciblés qui arrivent directement dans la boîte de réception des abonnés, selon une fréquence régulière, généralement hebdomadaire ou mensuelle, et proposent différentes formules d’abonnement (payant, gratuit, ou mixte).

Personnaliser son offre

Les études montrent que les organisations médiatiques grand public, en France et ailleurs, ont réaffecté une part de leurs ressources vers la création de newsletters dans le but d’élargir leur base d’abonnés, de fidéliser leur audience actuelle et d’incorporer davantage de personnalisation dans leurs offres numériques.

Les médias ont compris l’importance de rester directement connectés à leurs lecteurs, à l’instar du New York Times. Côté lecteurs, il peut être difficile de trouver des informations fiables et des analyses pertinentes parmi la multitude d’informations disponibles. C’est pourquoi, pour favoriser ses abonnés, le journal américain a migré en 2021 des newsletters gratuites vers des contenus exclusivement réservés aux abonnés.

Toutefois, la newsletter « The Morning », très appréciée, reste gratuite, probablement pour continuer d’attirer de potentiels abonnés. Emboîtant le pas au New York Times, des auteurs de renom se tournent depuis 2021 vers des plates-formes de newsletter et les médias s’orientent vers un contenu plus axé sur le destinataire. En recevant des newsletters, les lecteurs n’ont plus besoin de consulter régulièrement un site web pour découvrir de nouveaux articles : les actualités leur parviennent directement dans leur boîte de réception. Les interactions entre auteurs et lecteurs dans le cadre des newsletters établissent alors des relations parasociales, créant une connexion directe et personnelle qui influe sur la nature et le contenu des newsletters.

D’après l’enquête menée par Reuters et l’Université d’Oxford, qui couvre 56 pays et territoires, dans un scénario optimiste, les producteurs de newsletters envisagent une ère où leur dépendance envers les géants de la technologie serait moindre, et où ils établiraient de plus en plus de relations plus directes avec leurs abonnés fidèles. La chute significative du trafic de référence en provenance de Facebook et de X (anciennement Twitter) réduit progressivement les flux d’audience vers les sites d’actualités établis et accroît la pression sur leur rentabilité.

Néanmoins, ces stratégies risquent de marginaliser les médias et les influenceurs en compliquant l’accès à des utilisateurs plus jeunes et moins éduqués, nombre d’entre eux étant déjà familiarisés avec les actualités générées de manière algorithmique et ayant des liens plus faibles avec les médias traditionnels.

Il est donc indispensable d’adopter une stratégie de diffusion de l’information inclusive et diversifiée, tout en maintenant une veille active sur les réseaux sociaux où les jeunes sont plus présents (Instagram ; Snapchat et TikTok).

Ali Ahmadi, Enseignant-chercheur, spécialiste des plateformes numériques, Université de Tours

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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