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L’ADN circulant : une nouvelle arme simple et rapide dans le diagnostic et le suivi des cancers

Audrey Rousseau, Université d'Angers

L’ADN est, normalement, confortablement niché dans un noyau au cœur de nos cellules. Par contre, quand celles-ci viennent à mourir, toute cette organisation se désagrège peu à peu. Notre matériel génétique n’échappe pas à cette débandade cellulaire. Alors que le noyau se dégrade, l’ADN se fragmente et ses morceaux se retrouvent libres.

L’ADN peut ainsi se retrouver dans la circulation sanguine : ces fragments constituent ce qu’on appelle l’« ADN circulant », ou ADNc. Longtemps ignoré ou sous-estimé, il est désormais de plus en plus scruté par les spécialistes qui lui découvrent de nombreux intérêts.

Une simple prise de sang (« biopsie liquide ») suffit en effet aux médecins pour le recueillir et l’étudier – un millilitre de plasma permet de le récolter par milliers voire par millions !

Et après ? Chez les sujets sains, l’ADNc est surtout relargué par les cellules du sang (les globules blancs, par exemple) qui arrivent en fin de vie. Par contre, chez les sujets atteints de cancer, il va en partie être d’origine tumorale. Or, comme la molécule d’ADN entière, il code des informations génétiques : certes très parcellaires, mais néanmoins précieuses pour le diagnostic.

Depuis le développement de techniques particulièrement sensibles pour le détecter, l’ADNc est devenu un allié précieux des chercheurs et des oncologues !

Un marqueur du cancer facile à détecter

Le plus souvent, un diagnostic de cancer est posé suite à l’apparition de symptômes ou à la découverte d’une masse au scanner. Une biopsie (ou exérèse) de la tumeur n’est pas toujours possible, et c’est là que ce type d’analyse entre en scène.

Les biologistes peuvent séquencer le texte génétique (lire les lettres) porté par ce fragment d’ADN : cela leur permet de repérer les mutations présentes et, parfois, d’identifier le cancer dont il est issu. Ils peuvent ainsi caractériser plus précisément la tumeur et déterminer le pronostic de la maladie.

Parfois également, le cancer associé à cet ADNc n’est pas connu (chez un patient jusqu’alors en bonne santé) ou est bien caché (cancer dit « occulte ») : cette caractérisation peut aider les médecins à trouver la tumeur d’origine.

Ces informations sont aussi utiles pour choisir les traitements les plus adaptés. Chaque type de cancer présente en effet des vulnérabilités spécifiques, qui le rendent sensible à certains médicaments plutôt qu’à d’autres.

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Des intérêts multiples

Mais ce n’est pas tout. Chez les patients ayant un antécédent de cancer ou particulièrement à risque d’en développer un, l’analyse de l’ADNc peut aider à dépister la maladie avant l’apparition de symptômes.

De plus, son étude au cours du suivi d’un cancer chez un patient déjà diagnostiqué est utile à plusieurs niveaux. Avec une simple prise de sang, rapide et aisée à réaliser lors d’une consultation, l’oncologue peut :

  • Évaluer l’efficacité des traitements : la quantité d’ADNc associé à la tumeur diminue dans le sang quand celle-ci régresse ; si son taux reste stable, c’est que le traitement ne marche pas. S’il devient indétectable, c’est que le patient est en rémission.

  • Assurer un suivi plus simple des patients, sans avoir à répéter les scanners (qui délivrent des rayons X toxiques sur le long cours) et les biopsies de la tumeur ou de ses métastases. Les biopsies tissulaires sont invasives et présentent un risque d’hémorragie, d’infection… notamment en cas de tumeur des organes profonds. L’oncologue peut suivre l’évolution de la maladie de façon plus régulière tout en étant moins invasif. Point important, surtout chez l’enfant.

  • Guetter une éventuelle rechute. La réapparition de l’ADNc est synonyme de récidive, qu’il est ainsi possible de diagnostiquer précocement, avant même l’apparition d’une tumeur détectable cliniquement ou par imagerie – le scanner n’est pas très performant pour détecter des micrométastases (

  • Détecter toutes les anomalies génétiques de la tumeur. Contrairement à l’ADN obtenu via une biopsie, qui ne va concerner qu’un petit fragment de la tumeur, ici c’est l’ADN issu de toutes les cellules cancéreuses, où qu’elles soient, qui peut être analysé. L’ADNc porte de ce fait les anomalies génétiques du cancer et de toutes ses métastases.

  • Suivre l’évolution des mutations. Ce point est particulièrement crucial car, sous la pression des traitements (chimiothérapie, radiothérapie), qui créent un environnement toxique pour la tumeur, les anomalies présentes dans l’ADN des cellules cancéreuses évoluent : de nouvelles mutations apparaissent qui leur permettent parfois d’acquérir de nouvelles capacités et de résister. Identifier ces mutations de résistance est nécessaire pour adapter les chimiothérapies.

  • Mieux comprendre la maladie sur le plan génétique. Ce qui est important pour faire avancer la recherche et contribuer au développement de traitements innovants, plus efficaces.

Les scientifiques analysent aussi – grâce à des techniques qui sont encore du domaine de la recherche – des modifications à la surface de l’ADNc qui servent à réguler l’expression des gènes présents, dont certains sont des accélérateurs de la croissance tumorale.

Au-delà du plasma et du cancer

L’ADNc peut également être recueilli dans des liquides autres que le plasma, tels que les urines où il est efficace pour le diagnostic de cancers de la vessie, du rein ou de la prostate mais aussi de cancers non urologiques. Et le recueil des urines est encore plus aisé que celui du plasma !

Chez les patients présentant une tumeur du cerveau, il peut être détecté dans le liquide céphalo-rachidien – liquide baignant le cerveau et la moelle épinière. Il y est présent en plus grandes quantités que dans le sang, mais le prélèvement y est complexe et nécessite une ponction dans le dos (entre deux vertèbres).

Enfin, ces précieuses molécules ne sont pas utiles uniquement dans les cancers. Elles ont également prouvé leur efficacité dans le dépistage de la trisomie 21 au cours de la grossesse. L’ADNc du fœtus peut être recueilli dans le sang maternel, sans besoin donc de pratiquer une amniocentèse – cette ponction de liquide amniotique qui est à la fois invasive pour le fœtus et redoutée par les futures mamans…

Des usages, donc, en plein développement et qui vont encore se multiplier ! Au grand intérêt des chercheurs, et au bénéfice des patients.

Audrey Rousseau, Professeur en Anatomie Pathologique - Médecin enseignant-chercheur au CHU d'Angers, Université d'Angers

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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