Chronique « Transformations ». Du fait de la crise climatique, l’histoire de l’énergie prend une importance existentielle. Ainsi, dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) raisonne à partir de l’histoire des transitions énergétiques passées pour inférer la probabilité d’une transition compatible avec un réchauffement de 1,5 °C.
L’optimisme est mesuré, mais il est tout de même affirmé : « Ces transitions systémiques sont sans précédent en termes d’échelle, mais pas nécessairement en termes de vitesse », peut-on lire dans le « résumé aux décideurs ».
Mais l’usage du mot « transition » repose ici sur un sérieux malentendu. Ce que les historiens étudient sont en fait des « additions énergétiques » et non des transitions.
Par exemple, le gaz d’éclairage n’a pas supprimé les bougies, et les machines à vapeur n’ont pas remplacé la force musculaire : au contraire, la production de bougies explose au XIXe siècle, et le nombre de chevaux atteint son sommet historique dans les années 1900. Même dans l’industrie sidérurgique, où l’usage de la houille est précoce, le bois reste dominant jusque dans les années 1860 en France et jusqu’au XXe siècle en Suède.
Des énergies additionnées au cours du tempsOn ne passe pas simplement du bois au charbon, puis du charbon au pétrole, puis du pétrole au nucléaire : ces sources d’énergie n’ont fait que s’additionner au fil du temps.
Si, au cours du XXe siècle, l’usage du charbon décroît relativement au pétrole, il reste que sa consommation croît continûment, et qu’on n’en a jamais autant brûlé qu’en 2017. Et pour l’instant, le nucléaire et les renouvelables n’ont fait qu’ajouter une fine couche supplémentaire à un mix énergétique qui demeure fondamentalement carboné : selon les statistiques de British Petroleum, les fossiles (charbon, pétrole, gaz) représentaient 87 %...