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Infection, incontinence… Quels rôles pour le microbiote urinaire ?

Virginia Pérez Carrasco, Universidad de Granada; José Antonio García Salcedo, Universidad de Almería; José Gutiérrez-Fernández, Universidad de Granada et Miguel Soriano Rodríguez, Universidad de Almería

Notre corps abrite, on s’en doutera, nombre de cellules – et nombre de types de cellules (sanguines, nerveuses, etc.). Il a ainsi été estimé qu’un être humain dit « de référence » (20 à 30 ans, pour 70 kg et 1,70 m) en comptait, environ, quelques 3.1013, soit 30 mille milliards de cellules.

Ce que l’on sait moins, c’est que nous sommes aussi une terre d’accueil de premier choix pour les microbes, bactéries en tête ! Elles seraient près de 3,9.1013, soit plus que nos propres cellules.

L’importance de cette population microscopique peut donner le tournis… Ces chiffres élevés laissent surtout présager d’un rôle important pour les cohortes de bactéries, champignons et autres virus qui nous colonisent.

Plusieurs parties ou organes de notre corps sont ainsi occupés par un « microbiote » – comme l’intestin, dont le microbiote associé a fait l’objet d’études approfondies. Mais si la composition et les rôles dans la santé et la maladie de ce dernier commencent à être mieux connus, d’autres microbiotes passent encore largement sous les radars. Par exemple au niveau de notre peau, du sperme pour ces messieurs…

Le microbiote urinaire fait lui aussi partie de ces illustres quasi-inconnus. Une erreur tant ses implications pour la santé sont nombreuses, comme l’ont découvert des chercheurs de l’université de Grenade, d’Almeria et de l’hôpital universitaire Virgen de las Nieves.

Le microbiote urinaire : un grand inconnu

Pendant longtemps, on a cru que l’urine des personnes en bonne santé était stérile ; que les bactéries qui pourraient s’y trouver pouvaient être à l’origine d’infections locales. Cette idée était confortée par l’utilisation de techniques de culture bactérienne qui ne permettaient la croissance que d’un nombre très limité de micro-organismes.

C’est une erreur : l’urine n’est pas stérile.

La génomique, le développement du Human Microbiome Project ou des nouveaux outils de séquençage génétique de masse ont changé la donne : ils ont prouvé qu’il existait une large communauté microbienne également dans les voies urinaires d’individus sains.

De premiers grands constats peuvent être dégagés :

  • Cet écosystème particulier varie en fonction du sexe de l’hôte : le genre bactérien majeur chez la femme est Lactobacillus ; chez l’homme, beaucoup moins étudié, le microbiote urinaire est dominé par les genres Corynebacterium et Streptococcus.

  • L’âge et le niveau d’hormones sont capables de l’altérer, ce qui fait que les espèces bactériennes évoluent. Au fil des années, on observe par exemple une diminution des Lactobacillus et des Gardnerella et une prolifération de genres tels que les Mobiluncus, les Oligella et les Porphyromonas.

  • De nombreuses espèces propres aux voies urinaires ne se contentent pas de ce secteur, mais peuplent également le vagin et l’intestin. Des modifications de ces deux communautés bactériennes entraînent également des changements dans le microbiote urinaire.

Chez madame, les bactéries du genre Lactobacillus sont prédominantes. Chez monsieur, ce sont plutôt les Corynebacterium et Streptococcus qui sont majoritaires. OrangeVector/Shutterstock

Son rôle dans les maladies des voies urinaires

Traditionnellement, l’infection des voies urinaires est associée à des bactéries pathogènes isolées telles que Escherichia coli. Cependant, de nouvelles recherches ont identifié une origine multiple, c’est-à-dire qu’elle est davantage due à une détérioration du microbiote qu’à l’invasion d’un pathogène spécifique. En général, une diminution des Lactobacillus – toujours largement présentes chez les individus sains des deux sexes – semble augmenter la fréquence des infections urinaires.

Certaines de ses altérations ont également été associées à d’autres pathologies telles que le carcinome urothélial et le cancer de la prostate. L’augmentation de bactéries qui sécrètent des substances impliquées dans les processus inflammatoires pourrait favoriser le développement de ces maladies. Les bactéries Streptococcus anginosus, du genre Anaerococcus sont par exemple souvent impliquées dans des infections urogénitales et peuvent être plus abondantes dans des échantillons prélevés en cas de cancer.

Et ce n’est pas tout : des problèmes mécaniques tels que l’incontinence urinaire peuvent aussi être influencés par des changements dans la communauté bactérienne locale. L’appauvrissement microbien chez les individus sains va souvent de pair avec une augmentation de la population de micro-organismes pathogènes, qui libèrent des molécules favorisant la contraction musculaire dans la vessie – entre autres mécanismes.

Ce ne sont là que quelques-unes des affections diverses et variées liées à l’état du microbiote urinaire : ces résultats soulignent donc l’importance d’en tenir compte dans la prévention, leur diagnostic et leur traitement…

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Un nouveau champ d’études pour de nouvelles thérapies

Aujourd’hui, la plupart des infections urinaires sont traitées avec des antibiotiques à large spectre. Cependant, l’émergence croissante de bactéries résistantes à ces médicaments montre à quel point il est crucial d’identifier plus précisément les agents pathogènes responsables.

Mieux les identifier permettra de mieux identifier les antibiotiques à administrer afin d’ obtenir une action précise. D’une part cela évitera de favoriser le développement de résistance chez des bactéries qui n’étaient pas impliquées dans la maladie et cela préviendra, d’autre part, la détérioration des communautés microbiennes présentes partut ailleurs dans le corps humain.

L’idée est également de développer de nouvelles thérapies, en dehors des antibiotiques.

Les probiotiques par exemple, ces microbes vivants (principalement des bactéries) pouvant avoir des effets bénéfiques sur la santé, ont suscité un intérêt croissant ces dernières années. L’administration intravaginale ou orale de certaines souches de Lactobacillus, telles que L. crispatus et L. acidophilus, a permis une colonisation à long terme du microbiote urinaire et une réduction de l’incidence des infections.

D’autres thérapies basées sur les connaissances actuelles du microbiote urinaire comprennent la transplantation de microbiote fécal et l’utilisation de bactériophages (virus infectant et pouvant tuer des bactéries spécifiques). Ces deux méthodes ont permis de réduire la prévalence des infections urinaires et la présence des bactéries responsables, y compris celles qui présentent une résistance importante aux antibiotiques.

L’alimentation pour maintenir un microbiote sain

Mais avant d’en arriver là, nous pouvons aussi contribuer très simplement, par nos habitudes, à maintenir stable et en bonne santé la population microscopique qui colonise nos voies urinaires.

Comme pour les autres microbiotes, l’alimentation joue un rôle important. Ainsi, une consommation modérée de produits contenant de la canneberge, d’aliments fermentés riches en probiotiques, etc. peut contribuer à préserver notre équilibre bactérien et à éliminer les bactéries pathogènes.

Bien qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour le comprendre en profondeur, le microbiome urinaire pourrait être la clé du développement de nouvelles stratégies préventives, diagnostiques et thérapeutiques pour les maladies affectant le système urinaire.

Virginia Pérez Carrasco, Investigador predoctoral FPU, Universidad de Granada; José Antonio García Salcedo, Investigador principal en el area de biomedicina, Universidad de Almería; José Gutiérrez-Fernández, Catedrático de Universidad en Microbiología Médica., Universidad de Granada et Miguel Soriano Rodríguez, Profesor Titular de Universidad. Departamento de Agronomía, Universidad de Almería

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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