Le chercheur en informatique Hugues Bersini plaide dans une tribune au « Monde » pour un « codage citoyen », qui ferait des algorithmes les outils d’une gestion collective de notre existence commune.
Tribune. De très intéressantes expériences de reprise en main du big data et des technologies informatiques par le public et le politique sont en cours dans des villes telles que San Francisco, Boston ou Milton Keynes (en Grande-Bretagne). Boston est le lieu d’expérimentation algorithmique d’un groupe de développeurs réunis sous le label Code for America qui, parmi d’autres réalisations, ont inscrit à leur tableau de chasse l’inscription automatisée dans les écoles publiques.
A Milton Keynes, une myriade de capteurs engrange toutes les données qu’ils peuvent en matière de services publics, transports, parkings, consommation énergétique, gestion des déchets, système scolaire, installations domotiques, et beaucoup d’autres. Toutes ces données sont ensuite mises à la disposition des citoyens, chercheurs (universitaires ou non), start-up, et tout acteur que la vie de la cité préoccupe, afin de proposer des solutions innovantes pour chacun de ces biens communs.
Cela ne devrait-il pas se généraliser dans toutes les villes, dans tous les pays ? Après-demain, dans des régimes de gouvernance plus en phase avec ces temps numériques, nous pourrions nous-mêmes écrire le code source du système de prélèvement fiscal, de l’accès aux études, du rationnement énergétique, de la mobilité à venir, tout comme la plupart des algorithmes intéressants et des savoirs en ligne s’écrivent aujourd’hui sur le Web de manière collective, délibérée, et pour l’essentiel auto-organisée, à l’instar du système d’exploitation Linux, de Wikipédia ou la plate-forme Github (qui réunit des millions de programmeurs).
Fin de la démocratie participative à l’ancienne
La démocratie participative ne passe plus par la seule expression électorale des choix de nos représentants, par des pétitions ou autres manifestations sporadiques, mais bien par l’écriture collectivisée de ces régimes informatisés d’existence en commun. Nous n’élirons plus des parlementaires, nous programmerons nous-mêmes, en commun, ces modes algorithmisés de contrainte législative et de gouvernance. La Prix Nobel d’économie Elinor Ostrom (1933-2012), la prêtresse des communs, ne s’était-elle pas offert une deuxième jeunesse en découvrant les communautés open source ?
La voilà la véritable expression citoyenne, qui devrait nous réconcilier avec la politique ! Le monde est devenu bien trop complexe pour en confier la seule gestion à des gouvernants en chair et en os. Les lourds nuages noirs qui nous menacent exigent une bien meilleure compréhension et interprétation des phénomènes, ainsi qu’une prise en charge qui échappe de plus en plus aux humains et de moins en moins aux algorithmes.
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