Areva et EDF étaient au courant. Selon une information de France Inter, alors que les deux industriels confiaient à l'usine du Creusot la fabrication de la cuve de l'EPR de Flamanville en 2006, un document révélé par France Inter indique que les deux groupes connaissaient l'existence d'une faille dans le fonctionnement de l'usine du Creusot. Le document révèle que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait écrit, en décembre 2005, que dans le cadre du contrôle des installations nucléaires, de nombreux écarts avaient été constatés chez le forgeron Creusot Forge. «La qualité des travaux et la surveillance des sous-traitants effectués par le forgeron creusotin» étaient mis en cause.
En bref, la forge du creusot n'était pas fiable et la cuve de l'EPR de Flamanville, dont on s'est rendu compte en 2014 qu'elle n'était pas conforme, lui a malgré tout été confié. L'acier du couvercle et de la cuve contiennent des teneurs en carbone trop importantes. Ils pourraient donc céder en cas de changement brutal de température. EDF et Areva auraient donc pris un énorme risque industriel en toute connaissance de cause. Cette défaillance sur l'EPR de Flamanville avait déclenché un audit du Creusot qui a mis en évidence des falsifications dans le suivi des fabrications de pièces et a entraîné une enquête de l'ASN. Des régulateurs venus des États-Unis, de Grande-Bretagne ou encore de Chine se sont eux aussi penchés sur les processus du Creusot. «Une façon de résoudre les problèmes était de les cacher, et ce n'était pas la bonne», souligne Rémy Catteau, directeur des équipements sous pression nucléaires à l'ASN. Dans sa lettre de janvier, l'ASN a demandé à Areva de répondre à des défauts détectés fin 2016 par des régulateurs français et internationaux.
Arrêt de la production
Ces anomalies avaient conduit Areva à interrompre la production commerciale au Creusot et à lancer un plan d'amélioration de la qualité de ses usines de fabrication d'équipements. Et depuis, EDF et Areva ont remis un dossier démontrant selon eux la viabilité de la cuve de Flamanville. Les deux industriels espèrent donc un feu vert de l'autorité d'ici à la fin du premier semestre, donc d'ici la fin du mois de juin.
«Nous avons indiqué un certain nombre de jalons à nos clients, aux autorités de sûreté, qui nous permettraient effectivement, à l'été, de reprendre la production de grosses pièces pour des clients importants du nucléaire. Ces jalons sont actuellement tenus et nous sommes confiants», a expliqué, Bernard Fontana, le PDG d'Areva NP, en cours de cession à EDF. Le patron de l'activité réacteurs d'Areva envisage aussi d'élargir la gamme des pièces fabriquées. Selon lui, l'usine pourra à nouveau forger «la quasi-totalité» des pièces. «Par contre, on se donne encore un an de plus pour mettre au point les procédés sur les plus grosses pièces qui historiquement étaient sous-traitées», a-t-il précisé, faisant référence notamment à des composants de cuve fabriqués au Japon. Le sujet est d'autant plus sensible que l'usine du Creusot doit aussi fournir des pièces pour les EPR, notamment pour deux exemplaires de ce réacteur de nouvelle génération qu'EDF prévoit de construire et exploiter à Hinkley Point, en Grande-Bretagne.
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