Benoît Hamon a bien tenté de faire comme si de rien n’était. De consacrer, comme prévu, l’intégralité de son - long - discours de Lille à démonter les «impostures» du Front national. Entre Martine Aubry et le candidat socialiste, les rôles avaient même été répartis avant le meeting: à lui le combat contre l’extrême-droite, à elle le torpillage en règle de Manuel Valls et Emmanuel Macron, ses deux ennemis préférés du quinquennat. Mais, l’occasion de taper sur les «traîtres» devant 5000 personnes - selon l’équipe de campagne du socialiste - était trop belle.
Pendant toute la journée, sous les noms d'oiseau adressés à l'ancien Premier ministre - «une déchéance de crédibilité", a tonné Pascal Cherki - l'équipe de Hamon a semblé presque soulagée de ce ralliement enfin annoncé, de la fin d'un vrai faux suspense qui plombait la campagne de celui qui est désormais cinquième dans les sondages, à la peine derrière Jean-Luc Mélenchon. «Maintenant, c'est clair: lui c'est lui et nous c'est nous», confirme Matthieu Hanotin, co-directeur de campagne dans les travées du palais des sports Saint-Sauveur. L’épouvantail Valls parti, l'entourage de Hamon se met même à espèrer voir revenir au bercail certains électeurs socialistes. La déloyauté peut leur rapporter en quelque sorte.
Après ce dernier ralliement à Macron en date, «moi je ne me sens pas attaqué parce que je suis inattaquable, attaque donc Benoît Hamon bille en tête devant une salle qui n'attendait que ça pour siffler Valls. Je n’ai rompu aucune promesse, brisé aucun engagement. Ceux qui souffrent de cette trahison ce sont les électeurs de la primaire». Succès garanti. Hamon va crescendo : «à force de mensonges et de trahison, c’est le peuple qui désespère et le Front national qui monte, c’est la démocratie qui souffre».
Le candidat pousse le mépris pour son ancien adversaire de la primaire à ne pas citer son nom une seule fois en une heure et demie de discours. Mais Emmanuel Macron, lui, en prend pour son grade nommément. Le candidat de En Marche explique qu’il ne veut revenir ni à la gauche de 1981 ni à la droite de 1934? Hamon se dit «abasourdi» par ce parallèle entre la victoire de François Mitterrand et les ligues factieuses des années trente. «Comme si les Croix de feux c’était la même chose que les socialistes! Comme Maurras c’était la même chose que Mauroy !».
Pendant que Benoît Hamon parle à Lille, Jean-Luc Mélenchon est en meeting au Havre. Mercredi matin, le candidat socialiste a appelé le leader de la France insoumise à le rejoindre. Jouant sur sa "centralité" dans la gauche, Hamon entend rassembler pour faire barrage au FN mais aussi à Fillon et Macron. La démarche a séduit les communistes mais Mélenchon dit non tout net. Prévenu de sa réponse par un SMS pendant son discours, Hamon accuse réception, «regrette profondément» mais ne lâche pas l'affaire, se tournant vers les électeurs de la gauche de la gauche. «Il n’y a plus de prétexte, plus de mauvaises excuses pour ne pas se rassembler derrière moi», assure le candidat socialiste. Et voilà Valls ravalé au rang de «mauvaise excuse».
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