De Washington à la Silicon Valley, les appels à « casser » Google, Amazon, Facebook et Apple se multiplient. Mais un tel découpage pose de nombreuses questions juridiques, politiques... et pratiques.
« Break them up ! », « Démantelons-les » : le mot d’ordre se répand. Si l’Union européenne (UE) a imposé aux géants américains du numérique des amendes record, aux Etats-Unis, c’est l’idée même de « casser » ces entreprises qui est sur la table.
Impensable il y a quelques années, cette hypothèse gagne du terrain dans la classe politique, du président Donald Trump à la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren, qui a le vent en poupe dans la primaire démocrate pour la présidentielle de 2020.
La critique du pouvoir des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) – ils pèsent en Bourse 3 360 milliards de dollars soit 3 011 milliards d’euros et réalisent 600 milliards de dollars de chiffre d’affaires – est un des rares sujets de consensus à gauche et à droite aux Etats-Unis. Même dans la Silicon Valley, certains, à l’image d’un des cofondateurs de Facebook Chris Hughes, appellent aussi au « démantèlement ».
Leurs arguments ? Google, Facebook et Amazon abusent de leur position dominante dans la publicité en ligne, Amazon de sa suprématie dans l’e-commerce et Apple de son contrôle sur son magasin d’applications. Et ces sociétés, en rachetant leurs concurrents, comme Facebook l’a fait avec Instagram et WhatsApp, nuisent à l’innovation.
Reste à savoir si cette solution radicale, qui ne fait pas l’unanimité, est possible.
« Lourd et coûteux »
« Découper de grandes sociétés est tout à fait faisable. L’histoire des Etats-Unis l’a prouvé. Mais ça se révèle souvent plus difficile à mettre en œuvre qu’on ne le pense, met en garde William Kovacic, un ancien de l’autorité de la concurrence américaine FTC (Federal Trade Commission). Et ce professeur à l’université de Georgetown à Washington, d’assimiler cette opération à de la « chirurgie lourde ».
Imposer une « séparation structurelle » est « extrêmement lourd et coûteux », ce qui rend les résultats « incertains », renchérit Winston Maxwell, directeur d’études droit et numérique à Télécom Paris-Institut polytechnique de Paris. « Cela a du sens dans une industrie avec une couche d’infrastructure bien identifiée, comme le rail dans les chemins de fer ou le réseau de cuivre dans les télécoms. Dans le numérique, c’est moins évident », explique cet ex-avocat dans le secteur technologique pour le cabinet Hogan Lovells.
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