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Enseignement privé : près de 18 % des élèves français et une grande diversité d’établissements

Bruno Poucet, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

De quel type d’écoles parle-t-on lorsque l’on parle d’enseignement privé en France ? Quelles sont les différences entre les écoles privées sous contrat et les écoles hors contrat ? Quelle part des effectifs représentent-elles ? Quelques éclairages alors que les inégalités entre les établissements publics et privés font débat.


Ces derniers temps, des établissements privés se sont retrouvés sous les feux de l’actualité, qu’il s’agisse de la suspension d’un chef d’établissement privé catholique à Pau, du retrait du contrat d’association du lycée Averroès, établissement musulman de l’agglomération lilloise, des interrogations sur le fonctionnement du lycée Stanislas, à Paris ou encore du débat sur une subvention accordée par la région Île-de-France à un établissement scolaire de Seine-et-Marne.

De manière plus générale, à l’échelle du système scolaire, le débat autour du clivage public/privé et des inégalités scolaires a repris de l’ampleur en 2024. Comment les moyens sont-ils répartis entre les établissements ? Les lycées privés sont-ils mieux dotés ? Accueillent-ils des élèves socialement privilégiés ? Voilà des questions revenues à la une des médias.

Pour resituer ces enjeux, il importe de revenir sur la situation et l’organisation de l’enseignement privé en France.

Des établissements privés sous contrat ou hors contrat

La liberté d’enseignement est garantie par la loi. En revanche, il n’a jamais existé en France un enseignement privé parallèle à l’enseignement public qui disposerait d’une autonomie complète. La délivrance des grades du baccalauréat, de la licence et du doctorat était et reste un monopole de l’État.

Il n’existe que des établissements, plus ou moins organisés en réseau (d’origine catholique, juive, protestante, musulmane ou laïque). Certains sont liés à l’État – il s’agit d’un service public concédé. D’autres sont indépendants, mais contrôlés par la puissance publique.

Depuis le 31 décembre 1959, les établissements privés sont régis par la loi Debré qui organise deux types principaux de relation à l’État : soit un lien contractuel, soit l’absence de tout lien – dans ce cas, les établissements sont hors contrat. Il faut aussi se rappeler que si l’instruction est obligatoire en France, la fréquentation d’une école n’est pas obligatoire : l’instruction peut se faire à la maison sur autorisation et sur contrôle des autorités académiques afin d’éviter des dérives, notamment sectaires.

Les établissements sous contrat sont tenus de respecter les horaires, les programmes et les contenus d’enseignement décidés par l’État. Les élèves ne peuvent pas en droit être discriminés en fonction de leur origine sociale, religieuse ou idéologique. Les enseignants, nommés par l’État, sont recrutés par concours, selon des modalités définies par la puissance publique. Ils sont inspectés dans les mêmes conditions que leurs homologues de l’enseignement public.

En échange de ces obligations, les traitements et la formation initiale et continue des enseignants sont pris en charge par l’État. Les collectivités territoriales financent le fonctionnement pédagogique et peuvent apporter des garanties aux emprunts contractés pour la construction ou la rénovation de bâtiments.

Vous avez dit caractère propre ?

Néanmoins, des particularités existent par rapport à l’enseignement public. Les établissements disposent, en effet, d’un « caractère propre ». Celui-ci n’est pas, par principe, défini nationalement, mais repose sur les caractéristiques propres à chaque établissement : il peut être religieux, laïque, pédagogique, etc.

Cela signifie aussi que les directions d’établissement ne sont pas soumises à la carte scolaire de l’enseignement public, qu’ils ont leur mot à dire dans le recrutement des enseignants, qu’ils sont libres dans l’organisation de la vie scolaire et de l’éventuel internat. Ils peuvent proposer, en dehors des heures de classe réglementaires, des activités religieuses.

Si pour environ 50 % des frais sont pris en charge par l’État ou les collectivités territoriales, en revanche les cantines sont à la charge de l’établissement, ainsi que le gros entretien des locaux et la construction de bâtiments neufs ou leur rénovation. Pour toutes ces raisons, les établissements fixent un prix de scolarité qui est variable selon les établissements concernés. Par ailleurs, ils ne sont pas soumis à la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles, mais la plupart d’entre eux l’ont respecté, en intégrant ces dispositions dans leur règlement intérieur.

Un réseau principal et des réseaux secondaires sous contrat

Le principal réseau constitué est celui des établissements d’origine catholique (96 % du total des établissements privés, 2 millions d’élèves soit 17 % du total des élèves scolarisés en France, dont 13 % dans le 1er degré, 21 % dans le second degré), il existe ensuite le réseau laïque (37 000 élèves), suivi du réseau juif (34 000), protestant (3 000) et musulman (12 000) qui font au total 3 % du privé sous contrat.

Le réseau catholique est, compte tenu de son importance, celui qui est le mieux implanté, il recouvre d’ailleurs les territoires d’ancienne chrétienté (Nord, Ouest, Lyonnais, Île-de-France), les autres réseaux sont davantage présents en région parisienne. Il faut aussi se rappeler que les deux tiers des établissements agricoles font partie du réseau catholique et sont réglementés par une loi différente, la loi Rocard du 31 décembre 1984.

Le hors contrat et l’enseignement à domicile

À côté de ces réseaux constitués sous contrat existent aussi des établissements hors contrat, la plupart du temps de très petite taille, non subventionnés par l’État, les frais de scolarité sont de ce fait nécessairement élevés : le nombre d’élèves qui les fréquentent représente une infime minorité (environ 80 000 élèves, soit 1 %).

Ils ont renforcé leur présence dans les établissements du premier degré, tandis que leur part diminue dans le second degré. Ces écoles se veulent indépendantes et souhaitent avoir des pratiques pédagogiques qui peuvent être innovantes ou très traditionnelles, à connotation religieuse ou non.

Les enseignants peuvent ne pas être des professeurs au sens traditionnel du terme, mais des animateurs, voire même des parents d’élèves. Cela étant, les autorités publiques contrôlent la qualité de l’enseignement dispensé, les diplômes requis.

Des passerelles existent avec l’enseignement à domicile. Des familles, en effet, ne mettent pas leurs enfants dans une structure scolaire pour des raisons qui peuvent être diverses : handicaps, sportifs ou musiciens de haut niveau ou parfois choix pédagogique ou idéologique. Cette pratique, en croissance, ces dernières années, mais très minoritaire (50 000 enfants) est désormais soumise à un régime d’autorisation et est contrôlée par les autorités publiques : ils doivent respecter le socle commun, quelles que soit les techniques d’apprentissage utilisées.

Des établissements d’enseignement supérieur en nette croissance

On n’aura garde d’oublier l’enseignement supérieur : il est en pourcentage plus important que l’enseignement sous contrat et accueille actuellement un peu plus du quart des étudiants en France (750 000).

Ces établissements sont divers : certains appartiennent au réseau de l’enseignement catholique (formations académiques des cinq instituts catholiques, écoles d’ingénieur ou de commerce tel que l’ESSEC), d’autres, les plus nombreuses sont indépendants ou appartiennent à des groupes internationaux : nombre d’entre eux dispensent des enseignements dans le domaine artistique, le marketing, le commerce, la préparation aux études médicales ou paramédicales.

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La plupart d’entre elles délivrent des diplômes « maison » qui ne sont pas des grades universitaires, à la différence de certaines d’entre elles qui ont une reconnaissance par l’État, contrôlés par l’HCERES disposent de laboratoires de recherche labellisés (tel « Religion, culture et société » de l’Institut catholique de Paris).

On le voit, les établissements privés sont très divers et représentent un véritable kaléidoscope aussi bien pour ce qui est de leur taille, de leur situation géographique, de leur rapport à l’État, des disciplines enseignées et de leurs effectifs. En revanche, un certain nombre de questions se posent sur l’entre-soi social qui caractérise un nombre non négligeable d’entre eux et qui s’accentue depuis vingt ans : la mixité sociale a reculé.

Bruno Poucet, Professeur des universités en sciences de l'éducation, historien de l'éducation, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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