Le jeu vidéo a une histoire suffisamment riche pour que l’on regarde en arrière. Si la tendance du retrogaming n’est pas nouvelle, le retour des années 1980 et 1990 dans la culture moderne contribue à son succès.
Le 29 septembre dernier, la Super NES Mini arrivait dans les boutiques. Problème : elle devint vite introuvable, victime de son succès. Un phénomène jamais vu pour une réédition. Ce triomphe, Nintendo s'y était préparé depuis plusieurs mois, l'expérience de la NES Mini ayant été instructive. Un an plus tôt, c'est en effet la console 8 bits du début des années 1980 qui ressortait, accompagnée d'une bonne trentaine de jeux. Pour la firme japonaise, ce petit objet n'était qu'un aimable goody, un accessoire pour nostalgiques. Résultat : 2,3 millions d'unités vendues dans le monde. Devenue très rare, la machine se négocie désormais à prix d'or sur Internet. Le retrogaming, à l'origine une simple niche, a investi le marché grand public.Rééditer des consoles des années 1980 et 1990 n'est pas une idée nouvelle. "Tout a commencé en Asie du Sud-Est, où une multitude de constructeurs proposaient des clones de consoles avec des jeux préalablement installés", se souvient Douglas Alves, professeur d'histoire du jeu vidéo. Ainsi a-t-on découvert en vente en grandes surfaces des produits comme l'Atari Flashback ou la Sega Genesis Flashback. Les boîtiers reprennent vaguement le design de l'époque, avec de nombreux jeux compris dans l'offre : une solution, pour quelques dizaines d'euros, souvent alléchante et tout à fait valable malgré les faiblesses de fabrication. AtGames, spécialiste de ce type de consoles tout-en-un depuis plus de dix ans, profite aujourd'hui du succès des rééditions Nintendo. Le constructeur a dévoilé une Megadrive Flashback, reproduisant fidèlement le look de la Sega sortie en Europe en 1990. De son côté, Hyperkin s'est orienté vers un type de console rétro "universelle" : la Retron 5 est capable de lire les cartouches de NES, mais aussi celles de Megadrive, Game Boy ou Game Boy Advance. Un rêve pour tous les amateurs de retrogaming.
Quarante ans d'histoire dans une console
D'autres solutions s'adressent plus spécifiquement aux connaisseurs. Elles sont complexes à mettre en œuvre et parfois à la frontière de la légalité. Ainsi, les outils basés sur l'exploitation d'un Raspberry Pi sont de plus en plus populaires. Ce kit mini-PC permet de simuler l'utilisation de plusieurs dizaines de consoles et micro-ordinateurs. Sébastien, de MO5.com, association qui a pour but la préservation du patrimoine numérique, en a fait l'expérience : "J'ai acheté un Raspberry Pi et deux manettes USB, pour un coût total de 100 € : j'ai eu accès à quarante ans d'histoire du jeu vidéo dans un petit boîtier. J'avais ainsi des milliers de jeux à ma disposition, mais je ne savais plus lequel choisir ! Du coup, j'ai finalement acquis une NES : son avantage est de proposer une sélection de titres. Quoi qu'on en dise, l'émulation avec un Raspberry Pi reste illégale". Sébastien poursuit : "Avec la NES Mini ou la Super NES Mini, des millions de personnes vont retrouver le plaisir de jouer, notamment grâce à la manette d'origine." Et il ne faut pas oublier la portée éducative de ce type de produit : "C'est peut-être un prétexte, mais j'ai aussi acheté ces consoles pour mes enfants. Je n'ai qu'une hâte, qu'ils soient assez grands pour que je puisse m'amuser avec eux".
Nintendo, son univers et ses icônes
Sur ce marché émergent, il y a clairement un "avant" et un "après" Nintendo. Logique, quand on constate à quel point la compagnie a toujours soigné son patrimoine vidéoludique, ancré depuis longtemps dans la culture populaire. À tel point qu'il est peu probable qu'un autre fabricant connaisse un succès similaire. Même si Sony explique suivre de près le phénomène. Depuis quelques mois, il ne se passe pas une semaine sans qu'une nouvelle console ou un ordinateur des années 1980 et 1990 ne soient réédité. La mise en vente du C64 Mini — qui reprend fidèlement le design du Commodore 64, sorti en 1982 — est déjà annoncée pour… début 2018. Une véritable chance de succès commercial, mais sans doute à un niveau moindre que celui des consoles Nintendo : "La marque japonaise fonctionne sur la valorisation de son patrimoine, de son univers et de ses personnages, elle est connue dans le monde entier, analyse Douglas Alves. Le C64 Mini peut très bien cartonner en Allemagne ou en Suède, mais la machine d'origine n'a pas très bien marché en France, par exemple". N'oublions pas non plus que le jeu vidéo, comme tout autre média populaire, met en avant ses icônes : Mario, Sonic, Pacman ou les célèbres Space Invaders. Pour Laurent Michaud, directeur d'étude à l'institut Idate Digiworld, "Nintendo ne vend pas seulement la console, mais aussi l'ensemble de ses licences, de ses univers". Ce qui n'est pas le cas du C64 Mini.
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