Les nouvelles technologies centrées sur la santé sont souvent présentées comme un moyen d’améliorer la qualité de la prise en charge médicale, tant du point de vue du patient que du point de vue des services publics. À titre d’exemple, durant la crise sanitaire, l’application TousAntiCovid figurait parmi le top trois des applications gratuites les plus téléchargées en 2021. Selon le secrétaire d’État à la Transition numérique, Cédric O, plus
Dans le même ordre d’idée, le dossier médical partagé (DMP) constitue une autre innovation technologique dont la mise en place a engagé des efforts considérables de la part des autorités sanitaires dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni, l’Australie ou encore la France. Ce DMP peut être défini comme un dispositif gratuit et sécurisé, proposé par l’État et la Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM), qui permet de collecter les différentes informations de santé et données médicales d’une personne (maladie chronique, traitements suivis, allergies, etc.).
Le DMP a pour but d’améliorer l’efficacité de la prise en charge et des soins du patient, car il sera accessible aux professionnels de son choix. Seul le médecin traitant du patient peut avoir accès à la totalité des informations, après que ce dernier lui donne son accord. Ensuite, chaque patient peut définir et autoriser (ou non) les accès aux autres professionnels de santé (médecin traitant uniquement ou tous les professionnels de santé).
Données sensibles
Les patients sont ainsi censés bénéficier d’une qualité accrue des soins délivrés ainsi qu’une personnalisation de l’expérience de soins. Les organisations sanitaires peuvent quant à elles mettre en place des alternatives moins coûteuses que les pratiques de prise en charge traditionnelles, en impliquant par exemple les patients dans les régions éloignées dans le processus de prévention et du suivi médical, surmontant ainsi les déserts médicaux et les inconvénients logistiques.
Les données médicales collectées via ces technologies permettent aussi aux professionnels de santé d’améliorer les diagnostics dans des délais limités, de fournir des traitements efficients en temps réel quel que soit le lieu et de mieux gérer les relations avec les patients.
Malgré ces intérêts, la sensibilité des données médicales soulève d’importantes préoccupations et craintes de la part des patients par rapport à la confidentialité de leurs données. Certains y voient même les prémices d’une certaine forme de surveillance et de discrimination qui pourraient donner lieu à des dérives d’utilisation (utilisation des données médicales par la médecine du travail, ou modulation des tarifs des mutuelles).
Différents risques sont perçus par le patient, comme l’incertitude associée au fait de divulguer ses informations de santé personnelles, l’exposition à de nombreux problèmes inattendus, ou encore un potentiel élevé de perte associée au fait de divulguer des renseignements personnels sur sa santé dans le DMP.
Les résultats de notre dernière recherche confirment d’ailleurs que la réticence des patients à l’égard de l’adoption du DMP reste étroitement liée à leurs préoccupations personnelles en matière de confidentialité. Ils s’accordent cependant bien sur le gain en rapidité et l’utilité dans l’accomplissement des formalités de suivi de santé, l’amélioration de l’efficacité du suivi de santé et de la performance du patient en matière de surveillance de la santé.
Renforcer la confiance
La confiance envers les professionnels de santé joue donc un rôle clé dans la diffusion du DMP, ce qui souligne l’importance d’impliquer toutes les parties prenantes dans le processus de mise en œuvre. D’ailleurs, les professionnels de santé jouent aussi un rôle décisif dans l’adoption du DMP par les patients. La confiance mutuelle entre les professionnels de santé et les patients permet de les rassurer quant à l’utilisation de leurs données médicales et contribue ainsi à réduire leurs préoccupations et renforcer l’adoption du DMP. La gestion des données médicales n’est en effet pas anodine et représente des enjeux importants du fait de leur caractère spécifique et sensible.
Par ailleurs, il a été observé que la sensibilisation des patients aux risques pour la santé motive fortement l’adoption du DMP. Les pouvoirs publics seraient donc en mesure de dissiper ces réticences si la communication était axée sur les avantages de l’utilisation du DMP (supports visuels disponibles dans les salles d’attente des professionnels de santé, pharmacies, etc.) et la rigueur du cadre réglementaire.
Sur ce point, l’Union européenne pourrait définir le périmètre légal des dispositifs médicaux (application, objet connecté, logiciel, etc.) sur la base de son règlement de 2017 relatif aux dispositifs médicaux. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pourrait communiquer davantage autour de son rôle de garant de la conformité des technologies à travers le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Néanmoins, le recours aux nouvelles technologies dans le domaine de la santé ne doit pas être considéré comme une solution isolée pour un système plus efficient. Il doit être intégré dans le processus existant impliquant les différentes parties prenantes. Ainsi, une interaction collaborative avec les prestataires de soins pourrait justement être encouragée par l’intermédiaire du téléchargement et de l’utilisation de l’application mobile du DMP.
Emna Cherif, Maître de conférences en Sciences de gestion et marketing, Université Clermont Auvergne (UCA); Manel Mzoughi, Professeure associée en marketing, Propedia et Nora Bezaz, Enseignante-Chercheuse spécialisée en marketing, Université de Lorraine
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.