Les « gilets jaunes » marquent ce week-end le premier anniversaire du mouvement. Cyrille, 48 ans, et Matthias, 25 ans, font le bilan de cette année qui a changé leur vision du monde.
Ce fut un grand fracas pour certains, un vent d’espoir pour d’autres. Pour beaucoup une tempête qui a bouleversé leur vie, transformant leur rapport au monde. A la veille d’un possible regain de mobilisation des « gilets jaunes », samedi 16 et dimanche 17 novembre, pour la date anniversaire du mouvement, Cyrille, 48 ans, et Matthias, 25 ans, racontent deux expériences opposées : quand elle s’enthousiasme de son éveil à la politique, lui dit avoir « tout perdu ».
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Matthias, 25 ans : « Je n’ai rien gagné, j’ai tout perdu »
Jusqu’à ce qu’il revête un gilet jaune, Matthias, 25 ans, s’était toujours tenu tranquille. Ce qu’on attend en somme du fils d’une policière et d’un gendarme mobile. La révolte a débuté pour lui par cette vidéo virale sur Facebook, où un homme suggérait de mettre sa chasuble fluorescente sur le tableau de bord de sa voiture pour montrer son mécontentement. « Le montant du smic comparé au coût de la vie, c’est une blague ! Les politiciens sont déconnectés du monde, s’indigne-t-il. Je me suis dit “faut y aller”, sinon qui va le faire ? » Le 17 novembre, il manifeste près de chez lui, à Colomiers (Haute-Garonne), puis participe le soir au blocage du péage de Muret. Il travaille toute la semaine – il est électricien, en CDI – et y retourne le samedi suivant.
Les appels se multiplient alors pour un acte III à Paris, le 1er décembre. Il s’y rend avec d’autres « gilets jaunes » qui lui sont inconnus, en covoiturage. « On arrive vers 6 heures du matin, et là ça part dans tous les sens. J’étais choqué, je passais du péage à… [il hésite] à ce que j’ai cru être la révolution. L’avenue Kléber, totalement détruite, on aurait dit la guerre… » Ce jour-là, il filme toute la journée, mais ne prend pas part aux dégradations.
« Ce qui s’est passé dans ma tête, c’est difficile à expliquer. J’avais beaucoup de haine en moi… Pour tous ces blessés par des tirs de LBD »
C’est après ces violences que le gouvernement plie pour la première fois, annonçant, le 6 décembre, l’annulation de la hausse des taxes sur le carburant. « Alors je me suis dit : “La casse paie, il faut continuer !” » Le 8 décembre, il revient à Paris dans d’autres dispositions. « Le pacifisme ne fait pas peur, on peut être un million dans la rue, les gouvernants s’en moquent ! » Mais ce jour-là, les forces de l’ordre contiennent les exactions. « Les policiers ne voulaient pas un nouveau 1er décembre. Ils voulaient vraiment faire mal, faire peur. » Vers 10 heures, il est blessé à la jambe par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) ou une grenade de GLI-F4, « bien amoché ».
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