Tout le monde était tiré à quatre épingles, ce 9 juin 1987. « On sentait que ça allait être un jour important », raconte Areski Djenad, ancien délégué du personnel. Les grands mots aussi étaient de sortie : « Comité central d’entreprise extraordinaire », avait-on annoncé. Autour de la table, le patron de la FALA, la section luminaire du géant néerlandais Philips, avait entériné la « cessation permanente des activités ». « Sur le coup, on n’a même pas compris que ça voulait dire fermeture », se souvient le syndicaliste.
C’était il y a trente ans. Le premier plan social venait bousculer la Creuse. « C’était tellement nouveau pour nous, raconte Areski Djenad d’une voix qui ne tremble plus. Le capitalisme n’était qu’un mot dans les manuels d’économie. »
Le lendemain, un millier de personnes défilaient dans les rues d’Aubusson. La ville ne s’est jamais remise de ce qu’elle a vécu comme la trahison économique de cette multinationale en quête d’une main-d’œuvre à moindre coût. De 5 500 habitants à l’époque, elle stagne aujourd’hui à 3 700.
« Le début de beaucoup de choses »Il faut dire que la FALA, c’était « un monument » dans ce coin de campagne où les gens klaxonnent à tout bout de champ pour se saluer. « On y rentrait à vingt ans avec le soulagement de savoir qu’on allait y finir sa vie, mais aussi que nos enfants y auraient une place », se souvient M. Djenad. Pour les employés de cette « grande famille », majoritairement des femmes, tous les services étaient disponibles : crèche, garderie, bibliothèque, jardins ouvriers…
Trente ans après, c’est cette même « loyauté de groupe » qui pousse les anciens salariés à se retrouver chaque semaine. Tous ont pris des chemins différents. Il y a eu « des drames aussi », dit-on pudiquement. « Marqué au fer rouge » par son passé syndicaliste, Areski Djenad s’est « fait jeter » par...
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