Tel père, tel fils. Le patriarche Lee Kun-hee, qui avait fait de Samsung le leader mondial de la téléphonie mobile, avait tâté de la prison pour « évasion fiscale », en son temps. Aujourd'hui, son fils aîné et héritier du premier « chaebol » sud-coréen, Lee Jae-yong, est à son tour derrière les barreaux, mais sans avoir même eu le temps de faire ses preuves. Ce diplômé de Harvard de 48 ans, qui devait redonner un coup de fouet au mastodonte menacé par la concurrence chinoise, a été mis en examen mardi 28 février par les juges de Séoul. « Jay Y » est accusé de « corruption, de détournement de fonds et de dissimulation de biens à l'étranger » dans le sillage du ChoiGate, ce scandale politique qui a déjà conduit à la destitution de la présidente Park Geun-hye, en décembre dernier.
Ce divorcé au physique de gendre idéal, considéré comme le plus beau parti du pays, croupit désormais dans une cellule spartiate, à quelques kilomètres de sa luxueuse villa du quartier cossu d'Hannam-dong. Un choc pour cet héritier élevé comme un monarque et qui avait repris les rênes de Samsung Electronics depuis qu'une attaque cardiaque avait foudroyé en 2014 son père, toujours entre la vie et la mort.
Vers une réforme de « chaebol »
Samsung a versé 37 millions de dollars à des fondations gérées par Choi Soon-sil, la conseillère de l'ombre de la présidente Park, surnommée « Raspoutine ». Les enquêteurs y voient des pots-de-vin destinés à s'assurer l'appui de la présidente à la fusion controversée entre deux filiales du conglomérat, en 2015. Le mariage entre Samsung C&T et Cheil était capital pour permettre à Lee Jae-yong et à ses deux sœurs de garder le contrôle sur le groupe tout en réduisant la faramineuse note des droits de succession estimés à plusieurs milliards de dollars.
Lee Jae-yong avait déjà subi les foudres et les insultes des parlementaires lors d'une audition musclée à l'Assemblée nationale, en décembre. Bousculé, la sueur au front, le vice-président de Samsung Electronics avait botté en touche, affirmant ne pas être au courant des détails de ces « donations ». Il devra se montrer bien plus précis lors de son procès qui s'annonce explosif et risque de déballer au grand jour les coulisses d'un groupe adepte du secret.
Derrière Samsung, c'est l'ensemble des « chaebol », ces conglomérats familiaux qui dominent l'économie sud-coréenne qui seront dans la ligne de mire de la prochaine élection présidentielle, prévue en 2017. Déjà, le chef de file de l'opposition, Moon Jae-in, a fait de la « réforme » des chaebol une priorité. Sous pression, Samsung a annoncé, mardi, la dissolution de son unité « stratégique » qui pilotait le groupe tentaculaire de plus de soixante filiales, ouvrant la voie à une décentralisation du management.
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