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En plein développement, le métier de cordiste est une des professions les plus dangereuses. Sur près de 8 500 professionnels, souvent intérimaires, vingt et un sont morts depuis 2006 dans des accidents du travail.

Dans le mémoire qu’il a rendu en 2015 dans le cadre de sa formation de cordiste, Philippe Krebs évoquait longuement l’accident mortel survenu en 2012 sur le site agro-industriel de Cristal Union, à Bazancourt (Marne). Descendus en rappel dans un silo pour le nettoyer, Arthur Bertelli et Vincent Dequin, deux cordistes intérimaires de 23 ans et 33 ans, avaient été ensevelis sous des tonnes de sucre. Il écrivait : « Aucun enseignement n’a été tiré au sein de la profession. (…) Il aurait dû y avoir un avant et un après cet accident dramatique. Il y a surtout une continuité de pratiques aléatoires. » Moins de deux ans après l’écriture de ces lignes, en juin 2017, un nouvel accident mortel, sur le même site, dans des circonstances similaires, coûtait la vie à Quentin Zaroui-Bruat, 21 ans, autre cordiste intérimaire.

Travailler suspendu au bout d’une corde, dans des endroits peu accessibles, est dangereux par essence. C’est même une pratique en principe interdite par le code du travail qui ne la tolère que pour des travaux temporaires, si aucune technique plus sûre n’est envisageable. Maîtriser les risques est alors central.

« Je me suis mis à mon compte parce que j’avais peur en mission d’intérim », explique Philippe Krebs, cordiste

Comme tous les cordistes que Le Monde a contactés, Philippe Krebs estime que les conditions de sécurité ne sont aujourd’hui encore pas réunies sur de nombreux chantiers. Matériel usé, défaut de supervision et d’anticipation des risques… « Je me suis mis à mon compte parce que j’avais peur en mission d’intérim, explique celui qui est également formateur. Nos anciens stagiaires nous racontent être en permanence confrontés à des pratiques déviantes. Or, lorsque vous êtes jeune intérimaire, refuser une mission c’est prendre le risque d’être blacklisté. »

En cause, un déficit d’encadrement des pratiques dans une profession qui n’en est, en réalité, même pas une. « Nous n’avons ni code APE, désignant l’activité principale de l’entreprise, ni convention collective », souligne Eric Louis, qui aurait dû prendre la relève de Quentin Zaroui-Bruat le jour de son accident. Cordiste n’est pas un métier en soi, mais une pratique rattachée à un autre métier, comme maçon ou électricien. « Nous n’avons pas non plus de statistiques propres à l’accidentologie des cordistes, qui sont mélangés avec tous les intérimaires. On a peut-être la profession la plus mortelle de France sans que ça se sache », pointe Eric Louis.


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