L’ancien ministre de l’Economie fait bosser des mathématiciens et des linguistes sur les milliers de verbatims issus de porte-à-porte. Ça devrait lui donner des idées.
Vous l’avez remarqué, le sport du moment consiste à demander à Emmanuel Macron, sur tous les tons possibles, s’il sera candidat à la présidentielle de 2017.
De son côté du court, lui martèle :
« D’abord le diagnostic. Le diagnostic. Le dia-gno-stic. LE DIA-GNO-STIC. »
Le diagnostic, donc.
Pour avoir une chance de l’apercevoir, ce diagnostic, il faut se rendre dans le Xe arrondissement de Paris, traverser la courette d’une pépinière d’entreprises, monter un étage et entrer dans le bureau de François-Régis Chaumartin, qui, en baissant la voix, entrouvre son ordinateur d’où s’échappent d’épais nuages de mots et de délicates arborescences sémantiques.
Algorithmes
A l’œil, on attrape « liberté d’entreprise », « police de proximité », « énergies propres ». Mais c’est fugace. Ce fameux état des lieux, qui devrait servir de socle à Emmanuel Macron pour construire son « plan d’action progressiste », ne sera publié qu’à la fin septembre.
Cette évaluation s’appuiera en partie sur les milliers de questionnaires administrés lors de la « grande marche ». Et c’est là que se niche une bizarrerie : la grande majorité de ces verbatims ne sera pas dépouillée par des humains, mais par les algorithmes de Proxem, une boîte spécialisée dans le « big data » et « le traitement automatisé du langage ».
Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on vante la nouveauté de la chose, tandis que M. Chaumartin, le PDG de Proxem, parle avec appétit d’« extraction de vecteurs propres de matrice de grande taille ». Tous ont l’air gourmand de ceux qui sentent le sens de l’Histoire.
« Start me up »
Rappel des épisodes précédents.
Lorsque, au début de l’année, le ministre de l’Economie se pique de monter un mouvement à ses initiales, il s’aperçoit qu’il lui manque des cadres, des militants et un programme. Pas grave. La révolution numérique a ceci de miraculeux qu’il est possible de commencer sans ancrage ou mandat électif. Tout juste faut-il une idée et des financements.
Emmanuel Macron fait donc ce que fait tout chef d’entreprise dans cette situation : il prend langue avec les jeunes qui s’y connaissent.
En l’espèce, ce sont trois Strasbourgeois qui ont ramené des Etats-Unis les méthodes de campagne de Barack Obama.
« Première start-up de stratégie électorale en Europe », Liegey Muller Pons – du nom de ses trois fondateurs – se targue d’avoir apporté 280 000 voix à François Hollande en concassant tout un tas de données (notamment venues de l’Insee). L’idée étant de cibler le porte-à-porte vers les poches d’abstention a priori favorables aux socialistes.
« Notre créneau, c’est de combiner le digital, le data et le contact humain pour organiser des campagnes plus efficaces », précise Guillaume Liegey, en avalant ses tartines dans un café parisien....
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