Le 1er octobre, Pedro, un informaticien barcelonais de 35 ans, avait bravé les matraques des gardes civils pour voter en faveur de l'indépendance de la Catalogne. Vendredi, il s'était précipité devant la Generalitat pour célébrer la proclamation de la République catalane et avait fini la nuit en trinquant dans les bars avec ses copains. La fuite peu glorieuse de Carles Puigdemont a brisé son rêve de vivre dans une nation catalane. « On sentait qu'il y avait quelque chose de pas clair, on ne comprenait pas ce qui se passait au cours des 48 dernières heures. Mais jamais je n'aurais imaginé un dénouement comme ça. Je suis dégoûté. Le 21 décembre, je n'irai même pas voter. Pour moi, c'est fini. » Aleix, qui avait manifesté dimanche dernier avec plusieurs centaines de milliers d'espagnolistes en faveur de l'union, donne cours au sarcasme. « On redoutait une tragédie, on a eu une mascarade. »
S'il est confirmé, l'exil à Bruxelles de Carles Puigdemont et de cinq des ministres du gouvernement catalan déchu est une douche glacée pour le mouvement indépendantiste. Le leader indépendantiste a pris contact avec un célèbre avocat spécialisé dans les demandes d'asile. Mais « M. Puigdemont n'est pas en Belgique pour demander l'asile », a plaidé Me Bekaert, interrogé par la télévision flamande VRT, assurant que, « sur ce plan, rien n'a encore été décidé ». « Je lui ai parlé personnellement en Belgique (...) et il m'a formellement désigné comme son avocat. » Plus qu'une manœuvre politique pour placer la crise catalane sur le devant de la scène européenne, la fuite semble destinée à se protéger d'une arrestation alors que le parquet espagnol a demandé l'inculpation d'une vingtaine de leaders indépendantistes pour « rébellion, sédition, malversation ». La rébellion peut entraîner une condamnation allant jusqu'à trente ans de prison.
Contradictions
Tous les pays de l'Union européenne sont censés respecter les règles du droit international. L'asile politique ne pourrait être accordé que si un magistrat belge considérait que l'Espagne n'est pas un pays démocratique et que les droits de l'homme y sont bafoués. Personne n'y croit. Et si la Belgique, à la surprise générale, donnait suite à la requête, cela déboucherait sur une crise entre les deux pays.
Carles Puigdemont est d'ailleurs lui-même en pleine contradiction. Son parti et la coalition qu'il dirige ont annoncé qu'ils participeraient aux élections convoquées le 21 décembre par Madrid. Ils reconnaissent ainsi l'ordre politique en vigueur depuis l'application de l'article 155. Difficile dans ces conditions d'invoquer une persécution politique. Le camp indépendantiste est sonné. Les dirigeants du CUP, parti anticapitaliste qui appartient au cartel républicain, ont reconnu qu'ils n'avaient pas été informés de la fuite en Belgique. En outre, c'est à l'invitation du N-VA, parti indépendantiste flamand d'extrême droite, que Puigdemont et ses ministres ont pris le chemin de Bruxelles. De quoi troubler les nombreux républicains de gauche ou d'extrême gauche. Carles Puigdemont semble avoir agi sur un coup de tête.choses à expliquer au peuple catalan.
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