Le champignon Candida auris est difficile à combattre. Stephanie Rossow/CDC
Candida auris : que sait-on de ce champignon mortel qui se répand dans les hôpitaux des États-Unis ?
Rebecca A. Drummond, University of BirminghamUn « supermicrobe » du nom de Candida auris, un champignon pathogène, est en train de se propager rapidement dans les hôpitaux et les maisons de retraite des États-Unis. Au point qu’une alerte vient d’être diffusée par le CDC (Centers for Disease Control and Prevention).
Depuis la découverte du premier cas en 2016, ce micro-organisme s’est répandu dans la moitié des 50 États du pays. Selon un nouveau rapport, les infections qu’il cause ont triplé entre 2019 et 2021.
Mais les États-Unis ne sont pas les seuls concernés. Depuis qu’elle a été identifiée pour la première fois au Japon en 2009, cette levure a été découverte dans plus de 30 pays, parmi lesquels le Royaume-Uni, l'Inde, la Corée du Sud… et la France (dans une moindre mesure, actuellement).
Cette situation est extrêmement préoccupante, car l’infection par Candida auris est l’une des plus difficiles à traiter à l’heure actuelle : ce champignon est en effet résistant à de nombreux traitements fongicides.
Ce Candida est apparenté à d’autres types de levures qui peuvent entraîner des infections fongiques, comme Candida albicans – responsable du « muguet buccal » (reconnaissable à la prolifération blanchâtre locale de ce microorganisme sur la langue et les muqueuses). Candida auris est cependant très différent et, à certains égards, très inhabituel.
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Les dangereuses particularités de Candida auris
Alors que de nombreuses autres espèces de Candida aiment se développer dans nos intestins en tant qu’éléments du microbiote (la « flore intestinale »), ce n’est pas le cas de Candida auris, qui semble préférer la peau humaine. La peau des personnes ainsi « colonisées » peut excréter beaucoup de nouvelles levures, ce qui est à l’origine de la forte contamination de leurs vêtements et des surfaces alentour.
De ce fait, Candida auris peut être à l’origine d’épidémies, en particulier dans les unités de soins intensifs et les maisons de retraite, où, d’une manière générale, les personnes sont plus susceptibles de contracter des infections fongiques. Cette situation est inhabituelle, car généralement les infections fongiques ne se propagent pas d’un individu à l’autre.
Ce champignon peut également survivre sur les surfaces pendant plusieurs semaines, et il peut être difficile de s’en débarrasser. À cet effet, il est nécessaire de renforcer le nettoyage et le lavage des mains pour tenter de limiter sa propagation et l’exposition des patients à risque (immunodéprimés, etc.).
Il faut savoir que la plupart des personnes colonisées par Candida auris ne seront pas malades et ne s’apercevront même pas de sa présence… Par contre, cette levure provoque des infections graves lorsqu’elle pénètre dans l’organisme, via des plaies chirurgicales ou suite à la pose d’une intraveineuse. Une fois à l’intérieur du corps, elle peut infecter les organes et le sang, provoquant ainsi des atteintes sévères et potentiellement mortelles.
Un risque mortel
Le taux de mortalité chez les personnes infectées par ce champignon (par opposition aux personnes simplement colonisées) se situe entre 30 et 60 %. Il s’agit d’une fourchette large, car déterminer un taux de mortalité précis est difficile. En effet, les personnes infectées par Candida auris sont souvent déjà gravement malades, et souffrent d’autres affections.
En outre, diagnostiquer une infection par cette levure n’est pas aisé, car elle peut engendrer un large éventail de symptômes peu spécifiques, notamment de la fièvre, des frissons, des maux de tête et des nausées.
Candida auris doit donc être étroitement surveillé, car l’infection qu’il provoque peut aisément être confondue avec d’autres maladies. Ces dernières années, de nouveaux tests ont été mis au point pour faciliter son dépistage.
Au Royaume-Uni, le premier cas d’infection à Candida auris a été signalé en 2013. Toutefois, il est possible que d’autres infections se soient produites avant cette date – il semblerait en effet que certains des premiers cas aient été mal identifiés, et attribués à des levures non apparentées à celle-ci.
Jusqu’à présent, les autorités sanitaires du Royaume-Uni ont réussi à stopper toute épidémie majeure et la propagation de la plupart des cas a été limitée. La plupart des patients tombés malades à cause de Candida auris avaient voyagé dans des régions du monde où cette levure se rencontre plus fréquemment ou circule depuis plus longtemps.
Sous l’impulsion du Covid
L’augmentation du nombre d’infections à Candida auris serait en partie liée à la pandémie de Covid-19. Les malades qui font des formes graves de Covid peuvent en effet avoir besoin d’une ventilation mécanique et nécessiter un séjour prolongé en unité de soins intensifs. Or il s’agit là de facteurs de risque de colonisation et d’infection par Candida auris lorsque la souche est présente à l’hôpital.
Déterminer précisément comment la pandémie a affecté les taux et le nombre d’infections fongiques dans le monde prendra du temps. Connaître la réponse à ces questions est cependant important si l’on veut pouvoir prédire comment pourraient à l’avenir fluctuer les cas de colonisation et d’infection par C. auris.
Comme pour la plupart des maladies potentiellement mortelles causées par des champignons, celles dues à Candida auris sont difficiles à traiter et les options, limitées. Nous ne disposons que d’une poignée de médicaments antifongiques pour les combattre, de sorte que lorsqu’une espèce est résistante à un ou plusieurs de ces médicaments, les options thérapeutiques deviennent rapidement extrêmement restreintes.
Or, certaines infections à Candida auris sont résistantes aux trois types de médicaments antifongiques actuellement disponibles.
Les professionnels de la santé doivent donc rester vigilants face à cette levure, car sans une surveillance étroite et une sensibilisation accrue à cette infection, nous pourrions assister à l’avenir à une augmentation des épidémies et des maladies graves qu’elle provoque.
Rebecca A. Drummond, Associate Professor, Immunology and Immunotherapy, University of Birmingham
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.