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Bougies, encens, fritures… attention à la pollution aux particules fines !

Rachna Bhoonah, AgroParisTech – Université Paris-Saclay

Allumer des bougies dans son salon, faire de la friture dans sa cuisine… bon nombre d’activités du quotidien contribuent à l’émission de particules fines nocives pour la santé. Des solutions existent pour limiter cette pollution de l'air intérieur.


2,5 microns, c’est environ 40 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu, et c’est la taille maximale des particules fines ou PM2,5. Malheureusement invisibles à l’œil nu, elles peuvent s’infiltrer dans nos voies respiratoires pour atterrir dans nos poumons.

Les particules fines pourraient ainsi augmenter le risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires ainsi que de cancers, notamment des voies respiratoires.

Un grand danger sanitaire de petite taille

Selon l’étude Global Burden of Disease, en 2019, le nombre de décès dans le monde attribué aux particules fines était de 4,2 millions.

D’après des travaux plus récents, la pollution de l’air serait la première cause de perte d’année de vie en bonne santé pour cause de maladie et de mortalité prématurée, notamment pour les enfants en bas âge exposés à une forte concentration de particules fines (PM2,5) en intérieur, car leurs poumons sont encore en phase de développement.


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Les particules fines peuvent provenir de sources naturelles, telles que les déserts, les volcans, ou la terre sèche remise en suspension par le vent. Toutefois, elles sont aussi souvent émises par des sources anthropogènes : la combustion fossile (issue, par exemple, des véhicules et machines industrielles), la friction mécanique (qui peut provenir de la production d’électricité, des moteurs électriques, des pneus) ou l’extraction des minerais ou les procédés industriels.

D’autres sources, plus localisées, sont la cause d’une mauvaise qualité de l’air intérieur : bougies, encens, cigarettes, feu de bois, cuisine sans hotte, entre autres. Comme nous passons entre 80 et 90 % de notre temps dans des espaces intérieurs, il est crucial de comprendre et d’éviter les risques sanitaires associés.

À la maison, la majorité des polluants sont émis depuis l’intérieur du logement.

Des activités du quotidien émettrices de particules

Nous avons étudié ces sources, qui correspondent à des activités communément pratiquées en intérieur, afin d’évaluer le risque sanitaire associé. Les données concernant les émissions (en masse de particules fines PM2,5 par seconde) ont été obtenues en consultant la littérature scientifique, et les concentrations auxquelles les occupants sont exposés ont été calculées.

Ensuite, la quantité inhalée et les impacts sur la santé ont été évalués. Ces derniers sont calculés en nombre d’années de vie en bonne santé perdue (disability-adjusted life years ou l’acronyme DALY, en anglais), associé au risque de maladie cardio-pulmonaire.

Plusieurs scénarios d’aération sont étudiés, étant donné que les polluants émis dans l’air intérieur peuvent être évacués vers l’extérieur en ouvrant des fenêtres. Toutefois, selon les différentes activités et les conditions extérieures, les occupants ne sont pas toujours incités à bien aérer. À noter que le taux d’aération est mesuré en volumes d’air (de la pièce) renouvelés par heure.

La bougie détend mais libère des particules nocives

Prenons l’exemple d’une bougie. Elle est souvent allumée à l’intérieur, particulièrement en hiver, dans le but de créer une ambiance chaleureuse et de diffuser de bonnes odeurs. Ainsi, il serait contre-productif, vu l’effet escompté, d’ouvrir les fenêtres pour évacuer les substances émises, bien qu’elles soient nocives à la santé.

Les espaces intérieurs étant souvent confinés (ce qui se caractérise par un volume d’air et un taux d’aération faibles), la concentration des polluants émis peut grimper considérablement. Les seuils recommandés par le Programme des Nations unies pour l’Environnement (UNEP) sont autour de 15 µg/m³ pour les particules fines, ce qui correspond à un habitat bien ventilé à l’écart du trafic.

Sans aération, une bougie (ou de l’encens) allumée pendant une heure augmente la concentration à tel point que sa valeur dépasse de plus de 20 fois le seuil recommandé. Elle serait responsable de 7 à 21 ?DALY, soit 4 à 11 minutes de vie perdues, par occupant et par heure d’activité.

Ceci fait réfléchir à l’effet réel des bougies. La question se pose de savoir s’il est vraiment raisonnable d’en allumer une après avoir cuisiné un poisson odorant, par exemple. Au lieu d’évacuer les substances responsables d’odeurs fortes, la combustion rajoute des particules dans l’air.

Concentration de particules fines pénétrant depuis l’extérieur (bleu marine) et émis à l’intérieur (orange) après des activités du quotidien d’une durée d’une heure :

(a) grille-pain, (b) grill, (c) cigarette allumée (tabagisme passif) et (d) chauffage au combustible solide fossile

Friture et grillades : les modes de cuisson les plus impactants

D’ailleurs, la cuisson elle-même peut être source d’emission de particules fines dans l’air qui proviennent des aliments, de l’huile ou du four. La friture et les grillades sont les modes de cuisson les plus impactants, en élevant la concentration des particules fines PM2,5 dans l’air jusqu’à 40 fois le seuil recommandé.

On sait que l’air s’infiltre dans les habitats par les bords de fenêtres et les portes ainsi qu’à travers les jointures entre les parois. En fonction de l’aération de la maison, après une heure de friture ou grillade, l’impact sur la santé est estimé à moins d’une seconde de vie perdue (en cas de forte aération) et jusqu’à environ trois quarts d’heure de vie perdus (pour une maison étanche avec une infiltration de 0,2 volume d’air par heure). En effet, les habitations peu étanches permettent un fort taux d’infiltration de l’air.

Qu’en est-il de la cuisson traditionnelle à combustibles solides, comme le bois, le charbon ou la paille de maïs, qui est encore pratiquée par 50 % de la population mondiale, notamment en zone rurale asiatique, africaine et sud-américaine ?

Elle serait responsable de presque une heure de vie perdue par personne et par heure d’activité, en considérant un taux d’aération élevé (de l’ordre de 3 à 14 volumes d’air renouvelés par heure, ce qui correspond aux taux d’aération les plus probables pour ces contextes avec des habitations peu étanches). À noter que cette pratique est particulièrement dangereuse pour les enfants en bas âge.

D’autres polluants dans l’air intérieur

Il existe d’autres polluants intérieurs que les particules fines, catégorisés en polluants physiques, polluants chimiques et bio contaminants. À noter que les particules fines que nous évoquons ici sont classées dans les polluants physiques (au même titre que les fibres, par exemple).

Souvent, une source, notamment les activités mentionnées dans cet article, émet différents polluants. C’est le cas, par exemple, des imprimantes 3D, de plus en plus populaires, qui seraient responsables de l’émission de plusieurs polluants (des hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés organiques volatils et nanoparticules).

Aérer, cuisiner sans huile et sous hotte, etc.

On a vu que l’aération permet de réduire les risques sanitaires. Toutefois, ce n’est pas toujours une solution viable. Dans une situation comme la cuisson traditionnelle à forte émission de particules fines (PM2,5), l’exposition des occupants aux polluants reste alarmante et les taux d’aération, même élevés, restent insuffisants.

À l’échelle individuelle, d’autres mesures peuvent être prises pour réduire la pollution intérieure. Tout d’abord, comme dans l’exemple de la bougie, il est important de questionner le besoin et l’intérêt de l’activité. Il est agréable d’allumer une bougie, mais il n’est peut-être pas judicieux de le faire quotidiennement en fermant toutes les portes et fenêtres. Un minimum d’aération permettrait de profiter des avantages, tout en éliminant une partie des polluants.

En ce qui concerne la cuisine, les hottes permettraient de capturer jusqu’à plus de 80 % des émissions de la cuisson. De plus, une cuisson sans huile réduirait les émissions de polluants jusqu’à 46 %, alors qu’une friture doublerait les émissions par rapport à une cuisson à la vapeur. De même, les cuisinières à gaz émettraient deux fois plus que les plaques électriques.

De manière générale, notamment depuis la pandémie du Covid, une prise de conscience autour du sujet de la qualité de l’air intérieur a émergé. Il est important de communiquer sur le sujet pour inciter à la vigilance quand on pratique des activités susceptibles de libérer des substances nocives pour la santé.

Rachna Bhoonah, Chercheuse post-doctorante en analyse environnementale, santé humaine et plantes, AgroParisTech – Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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