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Bien-être des enseignants : après la pandémie, une éclaircie ? Tout dépend du pays

Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Fondation d'entreprise pour la santé publique

Au printemps 2020, la pandémie Covid-19 heurtait violemment les systèmes éducatifs partout dans le monde. S’en sont suivis des mois d’alternance de confinements et de déconfinements, accompagnés de protocoles sanitaires plus ou moins stricts dans les écoles.

En 2021, la première édition du Baromètre international de la santé et du bien-être des personnels de l’éducation (I-BEST) avait objectivé l’épuisement des enseignants, notamment en France, en Belgique et au Québec.

Deux ans plus tard, en 2023, alors que la pandémie est passée au second plan des préoccupations, la deuxième édition du Baromètre offre une nouvelle photo de la situation dans ces trois territoires. Comment le ressenti des enseignants y a-t-il évolué en deux ans ?

Suivre le bien-être des personnels de l’éducation dans le temps et l’espace

Le Baromètre I-BEST est un dispositif de recueil de données statistiques permettant d’avoir une vision actualisée des conditions de travail et du ressenti des personnels de l’éducation au niveau des territoires. L’objectif est d’identifier des priorités d’amélioration au plus près du terrain, dans une finalité de promotion de la santé des personnels de ce secteur, pilier de la société.

Cette enquête internationale a été mise en place en 2021 par le Réseau Éducation et Solidarité et la Fondation d’entreprise pour la santé publique, avec l’appui de l’Internationale de l’Éducation et la Chaire Unesco « ÉducationS et Santé ». Diffusée le plus largement possible auprès des personnels de l’éducation par des partenaires locaux, elle inclut une centaine de questions sur les conditions de travail, le ressenti professionnel, le bien-être et la santé, ainsi qu’un focus sur une thématique d’actualité.

La première édition d’I-BEST a eu lieu au printemps 2021 dans six pays ou régions à travers le monde : plus de 8 000 enseignants y avaient participé. La deuxième édition, entre février et juin 2023, a concerné non seulement les enseignants, mais aussi les personnels de soutien à l’enseignement : direction, administration, animation pédagogique… Cette fois, un peu plus de 26 000 personnels de l’éducation (des enseignants, pour la très grande majorité) ont participé, issus de onze territoires repartis sur quatre continents.

La France, la Belgique francophone (simplement désignée « Belgique » dans la suite) et le Québec ont participé aux deux éditions d’I-BEST. Le nombre d’enseignants qui ont répondu au questionnaire a été respectivement en 2021 et 2023 : en France, 3 646 et 9 595 ; en Belgique, 1 268 et 937 ; au Québec : 2 349 et 1 751.

Parmi la centaine de questions du baromètre, une vingtaine d’indicateurs clés sur le travail et le bien-être ont été sélectionnés, par exemple la proportion d’enseignants ayant été victimes de violence au travail dans les 12 derniers mois, ou encore, la part des personnels qualifiant leur santé positivement.

Santé au travail des enseignants : une évolution contrastée

En France, tous les indicateurs étudiés restent stables ou évoluent dans le bon sens (Figure 1). En particulier, l’information parait mieux circuler d’un point de vue hiérarchique (+9 points), l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle s’améliore (+7 points) et les enseignants se déclarent plus enclin à choisir de nouveau leur métier si c’était à refaire (+10 points). Cependant, et alors que les niveaux des indicateurs étaient pour la plupart très préoccupants en 2021, nombre d’indicateurs restent encore largement perfectibles en valeur absolue en 2023.

En Belgique, en parallèle d’une banalisation de la violence (+10 points), d’un allongement des temps de trajets et d’une intensification des sources de stress au travail, les indicateurs de bien-être se dégradent tant généralement (-10 points de bien-être estimé et -4 points de santé perçue) que sur le plan psychologique (+5 points de symptomatologie dépressive) ou en termes de satisfaction professionnelle (-13 points). Cette dynamique globalement péjorative positionne le ressenti des enseignants de Belgique à des niveaux proches de ceux de la France, sauf en matière de formation, évolution de carrière et salaire où les chiffres restent meilleurs (Figure 1 et Figure 5).

Au Québec, si le ressenti s’améliore nettement vis-à-vis du stress au travail (-14 points), le climat relationnel a tendance à se tendre, avec un taux de personnels victimes de violence dans les 12 derniers mois qui bondit de 14 points pour s’établir à 41 %, et une satisfaction vis-à-vis de la valorisation par la direction et du travail en équipe qui diminue respectivement de 5 points et 7 points (Figure 1).

Lorsqu’on s’intéresse aux dynamiques par grandes catégories d’indicateurs, aucune tendance claire (unanime entre les territoires) ne se dessine en ce qui concerne le bien-être général des enseignants (Figure 2) ou plus spécifiquement leur bien-être professionnel (Figure 3) : pour ces aspects, les chiffres tendent à s’améliorer légèrement en France, à se dégrader en Belgique, alors qu’au Québec, c’est plus souvent le statu quo.

La dynamique des facteurs de stress ne suit pas non plus une règle systématique entre les territoires (Figure 4). Les facteurs investigués se renforcent en Belgique et se maintiennent ou s’atténuent au Québec (sauf pour le taux de violence au travail dans les 12 derniers mois qui bondit en Belgique mais aussi au Québec). En France, la tendance est plutôt à l’atténuation du stress par rapport à la situation observée en 2021.

En ce qui concerne les facteurs motivationnels – possibilités de formation et d’évolution professionnelle, salaire –, les évolutions sont quasi systématiquement positives dans les 3 territoires, et de fortes ampleurs (Figure 5). Ce tableau pointe vers un retour à la normale après le choc de la pandémie Covid-19 qui avait fortement désorganisé les systèmes éducatifs, y compris sur ces aspects. La première édition avait eu lieu 18 mois après le début de la pandémie, en plein cœur de crise sanitaire.

Par contraste, pour les facteurs organisationnels (circulation hiérarchique de l’information, travail en équipe, valorisation par la direction) (Figure 5), la situation apparaît relativement stable en France et en Belgique (à l’exception de la nette amélioration en France de la circulation de l’information hiérarchique), et se dégrade légèrement au Québec.

De l’importance d’actualiser les données dans un monde mouvant

I-BEST nous livre une image contrastée des évolutions 2021-2023 du bien-être professionnel et général des enseignants dans 3 territoires de l’occident francophone, pointant vers des problématiques locales spécifiques : globalement, ces deux dernières années, les indicateurs santé/travail des enseignants ont plutôt évolué favorablement en France, défavorablement en Belgique, et de manière mitigée au Québec.

Dans un monde impacté par des chocs majeurs touchant en particulier l’école – attentats terroristes, épidémies… – alors même qu’elle joue un rôle décisif d’amortisseur, il importe de suivre le moral des personnels, dans le temps et au plus près du terrain. I-BEST, par la diversité des territoires impliqués, participe à identifier de bonnes pratiques et cibler des voies d’améliorations prioritaires.


Remerciement : Nathalie Billaudeau pour les statistiques et les figures ; Nathalie Billaudeau, Pascale Lapie-Legouis, Karim Ould-Kaci, Ange-Andréa Lopoa et Morgane Richard pour la relecture de l’article. Le Réseau Éducation et Solidarité et tous ses partenaires pour la mise en œuvre et la valorisation d’I-BEST.

Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation d'entreprise pour la santé publique

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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