La start-up américaine Heliogen a inventé un procédé capable d'atteindre des températures jamais vues grâce à la concentration solaire thermodynamique. Cette technologie pourrait réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre générées par la production de béton ou d'acier, ou bien encore servir à fabriquer de l'hydrogène « verte ».
Le 18 novembre dernier, le gratin des investisseurs de la Silicon Valley s'est réuni sur un site industriel près de Lancaster en Californie, pour assister à la démonstration d'une technologie révolutionnaire : atteindre des températures de 1.000 °C grâce au soleil. De quoi décarboner les industries les plus polluantes de la planète et générer de l'électricité verte à grande échelle.
Cette promesse est celle de Heliogen, une nouvelle start-up que vient de créer Bill Gross, le fondateur d'Idealab, l'un des plus gros incubateurs technologiques américains. Preuve de l'intérêt suscité par son procédé, et bien qu'il n'en soit encore qu'à l'état préliminaire, Heliogen compte déjà des investisseurs prestigieux comme Bill Gates, Patrick Soon-Shiong ou Kittu Kolluri, des milliardaires à la tête des plus gros fonds d'investissements mondiaux.
Heliogen s'appuie sur une technologie déjà connue depuis l'Antiquité, à savoir le solaire à concentration thermodynamique. Ce système utilise des milliers de miroirs paraboliques (appelés héliostats) pour faire converger les rayons du soleil vers une tour contenant un fluide caloporteur (généralement de l'eau) qui va faire tourner une turbine grâce à la chaleur. Il existe déjà plusieurs centrales de ce type en Andalousie, à Dubaï ou en Californie.
Les miroirs sont réalignés en temps réel par l'intelligence artificielle pour obtenir le rayon lumineux le plus puissant possible. © BusinessWire
Des miroirs qui ajustent en permanence leur position
Mais là où les centrales thermodynamiques actuelles atteignent au maximum une température de 560°, Heliogen promet de dépasser les 1.000 °C, voire les 1.500 °C. Plutôt que de construire toujours plus de miroirs, la start-up parie sur l'intelligence artificielle pour optimiser la concentration de chaleur en modifiant l’orientation des panneaux en temps réel. « Même s'ils sont bien alignés au départ, les miroirs se déforment au fil du temps, sont désaxés par le vent ou lorsque le sol s'affaisse, explique Bill Gross au site Vox. C'est à peine quelques centimètres, mais quand on les additionne, cela fait une grosse différence ».
Afin de résoudre ce problème, Heliotrop a installé des caméras mesurant précisément la position de chaque miroir en prenant des points équidistants autour de celui-ci (la caméra ne pouvant pas observer directement le miroir sans quoi elle fondrait étant donné l'intensité de la lumière). Ainsi, l'alignement de chaque miroir permet de faire converger plus efficacement la lumière sur un point donné, d'environ 50 cm de diamètre. Une performance rendue possible par l'augmentation exponentielle des capacités de calcul, « dont on ne disposait pas encore il y a 5 ans », révèle Bill Gross.
Décarboner la fabrication de béton et d’acier
Atteindre des températures aussi élevées que 1.000 °C procure naturellement un avantage pour la production d'électricité : plus l'eau est chauffée, plus la puissance injectée dans la turbine est élevée. La chaleur emmagasinée pourrait également servir de dispositif de stockage durant la nuit. Mais la start-up vise surtout les usages industriels, notamment la production d'acier et de béton. Ces deux activités sont très émettrices de gaz à effet de serre car elles nécessitent d'atteindre des températures proches de 1.500 °C pour chauffer le coke ou le mélange d'argile et de calcaire. La fabrication de béton est ainsi responsable à elle seule de 8 % des émissions mondiales de CO2. D'après la start-up, ces entreprises pourraient réduire leur consommation d'énergies fossiles de 60 % en utilisant l'électricité fournie par son système.
Le solaire à concentration thermodynamique à plus de 1.000 °C permettrait de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre générées par la fabrication de ciment ou d’acier, deux des industries les plus polluantes au monde. © Heliogen, YouTube
De l’hydrogène « verte » à volonté
Un autre débouché prometteur est celui de l'hydrogène, un potentiel carburant pour les voitures du futur. Actuellement, la fabrication d’hydrogène repose essentiellement sur le reformage du gaz naturel par de la vapeur d'eau, un procédé pas très écologique. Il est aussi possible d'obtenir de l'hydrogène par électrolyse de l'eau, mais cette méthode est très peu efficace et nécessite beaucoup d'énergie. Les très hautes températures du solaire thermodynamique de Heliogen permettraient en théorie d'obtenir de cette fameuse hydrogène « verte », le Graal des industriels.
Une version réduite de ce système à concentration solaire composée de 70 miroirs a été testée apparemment avec succès. Un déploiement à échelle « normale » couvrirait environ 8.000 mètres carrés, environ l'équivalent d'un terrain de football. Beaucoup moins que ces centrales classiques, dont la plus grande, dans le désert de Mojave aux États-Unis, s'étend sur 14 km2 avec ses 173.500 miroirs héliostats.
- La start-up américaine Heliogen, qui compte Bill Gates parmi ses investisseurs, affirme pourvoir atteindre les 1.000 °C grâce à la concentration solaire thermodynamique.
- Elle s’appuie sur l’intelligence artificielle qui ajuste en temps réel l’orientation de chaque miroir.
- Cette technologie pourrait réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre générées par la production de ciment ou d’acier, deux des industries les plus polluantes au monde, ou bien servir à fabriquer de l’hydrogène.
Source : Atteindre 1.000 °C avec l’énergie solaire est le pari fou de cette start-up soutenue par Bill Gates