Sale temps pour l'information de qualité. MyCanal, un service de Canal+, vient de lancer, dans le sillage de SFR (voir Le Point n°2324 du 23 mars), une offre comprenant un ensemble de journaux en PDF pour rien ou presque...
Ainsi, pour 19,90 euros par mois, Canal+ propose du cinéma, des séries et du sport, avec en prime – et c'est la nouveauté – la possibilité de télécharger gratuitement jusqu'à 25 magazines par mois via le site LeKiosk. Que valent alors ces journaux ? Des clopinettes. Ils ne sont qu'un "cadeau bonus".
Comme SFR, Canal+ considère donc que l'information de qualité ne vaut rien. Il est vrai qu'ils finiront peut-être par avoir raison. Si les journaux sont devenus de simples fournisseurs de "plus produits", au service et à la merci de ces "plateformes", ils n'auront bientôt plus de revenus suffisants. Et ils ne pourront plus réaliser de reportages ou d'enquêtes au long cours. Ils ne vaudront alors effectivement plus rien. Rappelons tout de même que la clé de l'indépendance pour un journal, c'est la capacité à aller voir soi-même, à enquêter soi-même. Cela fait toute la différence : ne pas dépendre de l'avis des autres et "se payer le luxe du doute méthodique", selon l'expression de notre fondateur, Claude Imbert.
Les fossoyeurs de la presse indépendante ne nous auront pas
Au Point, nous ne céderons donc ni à SFR ni à Canal+. En vertu d'un accord ancien, notre journal était jusqu'ici disponible sur LeKiosk. Un choix discutable, sans doute. Les ventes y étaient marginales et, si le prix à l'unité était normal (3,99 euros), celui des abonnements y était un peu trop faible à notre goût. Mais il y avait un prix tout de même ! Or LeKiosk a eu le culot de nous inclure sans notre autorisation comme "plus produit" de l'offre de Canal+. Nous avons évidemment décidé d'en sortir.
Les fossoyeurs de la presse indépendante ne nous auront pas, mais nous ne nous contenterons pas de leur dire non. Nous ne cesserons de leur dire leur fait. Et nous n'arrêterons pas non plus d'appeler amicalement les éditeurs de presse tentés par ces "plateformes" à y résister. Ils n'y trouveront qu'une illusion – des chiffres de diffusion artificiels – et ne feront que préparer leur paupérisation.
Par ailleurs, c'est avec consternation que nous avons entendu les arguments utilisés par les dirigeants de SFR Presse en défense de leur système : les prix dérisoires qu'ils consentent aux journaux correspondraient, selon eux, à ceux de la presse papier moins les coûts liés à l'impression et à la distribution de celle-ci. Ignorance grossière ou mensonge délibéré ? Le principal poste de dépenses, au Point, c'est celui de la rédaction. Et de très loin ! Sans compter que nous n'avons pas attendu SFR ou Canal+ pour déployer une offre numérique payante, qui, merci à vous chers lecteurs, connaît un succès croissant. Peut-être parce que nous persistons, nous, à investir sur – pardon pour ce gros mot – la qualité...
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