Après le cancer : est-on en rémission, ou peut-on espérer vivre sans la maladie ?
Lorsque l’on a été victime de cancer et que les traitements ont fonctionné correctement, peut-on à nouveau s’estimer libre de la maladie ? Pourquoi les cliniciens préfèrent-ils parler de « rémission » plutôt que de vie « sans cancer » ? Explications.
Au mois de mars 2024, la princesse de Galles, Catherine Middleton, dite Kate Middleton, avait révélé être atteinte d’un cancer, sans donner plus de précision quant à sa maladie. En septembre, elle annonçait dans un nouveau
Bien que les détails concernant le cancer qui a frappé Catherine Middleton n’aient pas été communiqués, et que l’on ne sache pas de quels traitements elle a bénéficié, cette déclaration est l’occasion de s’interroger sur ce que signifie « vivre sans cancer », ainsi que sur les critères qui permettent de déclarer qu’un patient est guéri de la maladie.
Vivre sans cancer ou être en rémission : quelle différence ?
Du point de vue médical, affirmer qu’un patient a été guéri de la maladie et vit désormais « sans cancer » signifie deux choses. Premièrement, que les méthodes de test disponibles ne permettent plus de détecter aucune cellule cancéreuse dans le corps du patient. Deuxièmement, qu’il n’y a effectivement plus de cancer dans son organisme.
On pourrait penser que ces deux affirmations sont équivalentes, mais ce n’est pas le cas. En effet, en pratique, il est quasiment impossible d’être certain qu’aucune cellule cancéreuse n’a survécu aux traitements, quand bien même les tests ne détectent plus de trace de la maladie. En cause, la sensibilité des tests, ou le fait que certaines cellules cancéreuses peuvent rester dormantes pendant un certain temps.
Or, il suffit de quelques cellules survivantes pour que le cancer revienne. C’est la raison pour laquelle on parle généralement plutôt de « rémission », terme indiquant que l’on ne détecte plus de trace de cancer dans le corps. Ce n’est que lorsque la rémission aura duré un certain temps que l’on pourra considérer que le patient est désormais débarrassé de la maladie et vit « sans cancer ».
Dans sa déclaration, la princesse de Galles n’exprimait pas un point de vue médical, néanmoins il semble qu’elle ait franchi une étape importante vers la guérison.
Que se passe-t-il pendant la rémission ?
Les patients en rémission continuent à être sous surveillance : à intervalle régulier, ils passent des examens pour s’assurer que le cancer ne revient pas. En fonction du patient et du type de cancer, ces analyses peuvent varier considérablement.
Chaque mardi, notre newsletter « Et surtout la santé ! » vous donne les clés afin de prendre les meilleures décisions pour votre santé (sommeil, alimentation, psychologie, activité physique, nouveaux traitements…)
Bon nombre des tests mis en œuvre consistent à examiner différents organes pour vérifier si des cellules cancéreuses y sont présentes. Toutefois, le niveau de complexité peut s’avérer très variable selon l’organe considéré. Ainsi, certains cancers, comme les cancers de la peau, peuvent être détectés à l’œil nu. Dans d’autres cas, il faut recourir à différentes technologies : coloscopies pour les cancers colorectaux, mammographies par rayons X pour les cancers du sein ou scanners pour les cancers du poumon.
On peut aussi recourir à des tests moléculaires. Ceux-ci sont utilisés pour mettre en évidence dans des échantillons de sang ou de tissus certaines protéines ou séquences d’ADN associées à la présence de cellules cancéreuses.
Pour la plupart des patients, ces examens se répéteront pendant des années. Ils augmentent la probabilité de détecter au plus tôt tout cancer récurrent, et garantissent ainsi que les traitements auront les meilleures chances de succès.
Pour la plupart des types de cancer, les risques de récidive diminuent considérablement après cinq ans de rémission. Cette durée constitue donc un jalon important dans le parcours de soin d’un patient. Au-delà de cette période, les examens sont généralement espacés, car on considère que le risque de récidive est plus faible.
Mesurer les taux de survie
Parce qu’il est très difficile de déterminer quand un cancer est « guéri », les cliniciens préfèrent se référer au « taux de survie à cinq ans ». Celui-ci mesure la probabilité qu’un patient atteint de cancer soit encore en vie cinq ans après son diagnostic.
Les données indiquent que le taux de survie à cinq ans pour le cancer colorectal chez les femmes australiennes (toutes classes d’âge confondues) est d’environ 70 % (en France, le taux de survie à 5 ans était de 65 % entre 1989 et 2018 – contre 62 % pour les hommes, ndlr). Cela signifie que, sur 100 patientes atteintes de cancer colorectal, on s’attend à ce que 70 soient encore en vie cinq ans plus tard, et que 30 soient décédées de la maladie.
Certes, ces statistiques ne renseignent pas sur les cas individuels. Toutefois, comparer les taux de survie à cinq ans entre de grands groupes de patients atteints d’un type de cancer donné et qui ont subi différents traitements permet aux cliniciens de mieux appréhender la meilleure prise en charge à adopter pour leurs patients, ce qui représente une aide précieuse lorsqu’il s’agit de prendre une décision dans des situations souvent complexes.
De nombreux facteurs – qui peuvent parfois varier au fil du temps – influencent le risque de récidive, autrement dit la probabilité que le cancer revienne. On sait par exemple qu’environ 30 % des personnes atteintes de cancer du poumon seront victimes d’une récidive, même après traitement. En ce qui concerne le cancer du sein, le risque de récidive dans les deux ans suivant le diagnostic initial est d’environ 15 %. En cinq ans, elle tombe à 10 %. Après dix ans, elle passe sous les 2 %.
Il ne s’agit toutefois que des généralisations – les taux de récidive peuvent varier considérablement en fonction du type de cancer du patient, de son stade d’avancement ou de son extension, dans le cas où il s’est propagé à d’autres organes.
Vivre « sans cancer »
Que peut-on comprendre de l’objectif de vivre « sans cancer » qu’ambitionne d’atteindre la princesse de Galles ? On sait que la manière dont un cancer se développe et son risque de récidive peuvent être influencés par des facteurs que nous ne pouvons pas contrôler : l’âge, l’ethnicité, le sexe, la génétique ou encore les hormones. Cependant, nous pouvons agir sur d’autres facteurs, notamment environnementaux. Nous pouvons par exemple réduire notre exposition aux rayons ultraviolets en nous protégeant du soleil, ou éviter d’inhaler certaines substances cancérigènes comme la fumée de tabac. Nous pouvons aussi agir sur certains aspects de notre mode de vie : on sait aujourd’hui qu’une mauvaise alimentation, un manque d’exercice ou une consommation excessive d’alcool sont autant de facteurs de risques de cancer.
On estime à l’heure actuelle que plus de la moitié des cancers pourraient être évités grâce à un dépistage régulier et à l’adoption d’un mode de vie sain (ce dernier point permettant de plus de prévenir d’autres maladies chroniques, comme les maladies cardiovasculaires ou le diabète).
Les recommandations pour limiter le risque de survenue de cancer sont les mêmes pour tout le monde, et pas seulement pour les personnes comme la princesse de Galles, qui ont déjà suivi un traitement contre la maladie : éviter de fumer, adopter une alimentation saine, faire de l’exercice régulièrement, réduire sa consommation d’alcool et se protéger du soleil.
Amali Cooray, PhD Candidate in Genetic Engineering and Cancer, WEHI (Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research) ; John (Eddie) La Marca, Senior Research Officer, Blood Cells and Blood Cancer, WEHI (Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research) et Sarah Diepstraten, Senior Research Officer, Blood Cells and Blood Cancer Division, WEHI (Walter and Eliza Hall Institute of Medical Research)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.