Le festival international de photojournalisme Visa pour l'image, qui se tient du 1er au 16 septembre à Perpignan, fête cette année sa 30e édition. Avec au programme une rétrospective, en plus des sujets d'actualités réalisés dans le monde entier.
C’est le plus important festival de photojournalisme du monde : du 1er au 16 septembre, quelque 200 000 visiteurs et 3 000 professionnels d’une soixantaine de pays sont attendus à Perpignan pour le festival international Visa pour l’image. Cette cuvée 2018 est particulière puisqu’il s’agit de la trentième édition d’un festival à qui personne, pas même ses fondateurs, ne prédisait une telle longévité : "Au début, c’était une occasion de rassembler une poignée de copains. Jamais on aurait cru qu’on serait encore là 30 ans plus tard", explique à France 24 Jean-François Leroy cofondateur et directeur du festival.
C’était en 1989 : à l’époque, la ville de Perpignan cherchait à accueillir un festival culturel pour améliorer le rayonnement de la cité catalane. C’est alors le projet d’un festival de photojournalisme inédit, soutenu par les magazines Photo et Paris-Match qui est retenu. Deux principes, toujours d’actualité, sont d’emblée posés : que le festival soit gratuit et ouvert à tous.
"Plein de rencontres extraordinaires"
Trente ans plus tard, impossible pour Jean-François Leroy de résumer le festival en quelques moments forts. "Des rencontres extraordinaires et des souvenirs mémorables, j’en ai plein", justifie-t-il.
Il s’enflamme toutefois en évoquant la venue, lors de la toute première édition, du Cubain Alberto Korda, auteur de la célèbre photo du Che en "guerrier héroïque" pour laquelle le photojournaliste ne toucha jamais de droits d’auteur.
Autre rencontre marquante pour le directeur de Visa pour l’image : celle, en 1991, de Joe Rosenthal, mondialement connu pour son cliché des Américains plantant leur drapeau sur l'île japonaise d'Iwo Jima en 1945. Dès les débuts du festival, en effet, il y a eu cette volonté de faire redécouvrir des photographes "tombés dans l’oubli".
Trentième anniversaire oblige, une sélection de 39 photos (sur les 850 expositions qui ont eu lieu depuis 1989) sera dévoilée samedi 1er septembre.
Qu'est ce qui a changé en 30 ans ? La réponse de Jean-François Leroy fuse : "Le temps de diffusion". Et d’expliquer : "Avant, dans les années 80, quand il y avait un attentat à Beyrouth, il fallait le photographier, puis aller à l’aéroport pour trouver un passager pour transporter les pellicules et ensuite envoyer un motard les récupérer à l’arrivée. Le tout prenait minimum 24 heures et le plus souvent 48 heures. Maintenant, en 30 secondes les photos sont transférées, c’est l’instantanéité".
Rendez-vous dans 30 ans ?
La précarité a aussi gagné du terrain dans la profession. De nombreux photographes ont lancé cet été un cri d'alarme dans une tribune publiée par Libération et signée par des photographes et des agences de renom : Raymond Depardon, Bernard Plossu, Françoise Huguier, l'agence Myop, le collectif Tendance Floue. "La photographie ne s'est jamais aussi bien portée en France, les photographes jamais aussi mal", relevaient les signataires.
Jean-François Leroy est d’accord avec le constat mais il dit aussi voir "toujours autant de passion" dans le métier qu’il y a 30 ans. "Il y a toujours plus de jeunes qui veulent faire ce métier, même s’ils savent que ne vont pas devenir millionnaires. Cette année, par exemple, nous avons 220 photographes qui se sont accrédités au festival pour la première fois."
Pour ce 30e anniversaire de Visa pour l’image, Jean-François Leroy n’a qu’un vœu : "Que le festival dure 30 ans de plus !"
Une édition 2018 éclectique
Plus de 1 500 photos et 25 expositions sont au programme de l’édition 2018 du festival qui, comme tous les ans, sera ponctué de conférences et de rencontres avec des photoreporters du monde entier. Tandis que l’édition 2017 avait fait part belle à la bataille de Mossoul en Irak, la sélection 2018 se révèle plus éclectique.
Ainsi, les nommés de l’édition 2018 dans la catégorie News sont la Française Véronique de Viguerie (The Verbatim Agency pour Time et Paris Match) avec "Yémen : la guerre qu'on nous cache", Khalil Hamra (Associated Press), né de parents palestiniens, avec "Pourquoi Gaza ?", l'Italien Emanuele Satolli (Time), déjà nommé dans cette catégorie en 2017, avec "Gaza Border Killings", et Daniele Volpe, né en Italie, avec "Guatemala, le volcan de feu".
Les persécutions dont sont victimes la minorité musulmane des Rohingyas en Birmanie font l'objet de deux expositions : l'une de l'Américaine Paula Bronstein, l'autre, en noir et blanc, du Canadien Kevin Frayer.
L'environnement est également à l'honneur avec le travail du Belge Gaël Turine sur le désastre écologique qui frappe les cours d'eau traversant Dhaka, capitale du Bangladesh et ses 18 millions d'habitants. Français Samuel Bollendorff a, lui, fait un tour du monde de zones contaminées par l'Homme et ses industries chimiques, minières ou nucléaires.
Autre sujet peu traité dans les médias et présenté à Perpignan, l'absence de latrines. L'Américaine Andrea Bruce s'est rendue en Haïti, au Vietnam et en Inde afin de documenter ce fléau sanitaire.
Le festival rend hommage par ailleurs au travail des photojournalistes de l'AFP sur le continent africain avec l'exposition de John Wessels en République démocratique du Congo.
Le travail de Luis Tato sur les élections au Kenya fait également l'objet d'un accrochage.