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Des chercheurs ont identifié une molécule tueuse de bactéries à Gram négatif comme E.coli, produite par une bactérie présente dans le tube digestif d'un ver nématode. Ce composé pourrait devenir le premier antibiotique découvert contre cette classe de bactéries depuis plus de 60 ans.

« L'antibiorésistance pourrait devenir plus meurtrière que le cancer d'ici 2050 », avertit l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, les bactéries résistantes aux antibiotiques ont entraîné 12.500 décès en 2017, selon Santé publique France. 10,2 % des souches de E.coli et 28,8 % des souches de K.pneumoniae (bacille de Friedländer) sont désormais résistantes aux céphalosporines de 3e génération. Ces bactéries, dites à Gram négatif, ont une double membrane externe et plasmique particulièrement coriace qui les rend difficilement pénétrables. La dernière classe d'antibiotiques contre ces bactéries pathogènes date des années 1960. C'est dire si la découverte d'un nouveau traitement est susceptible de constituer une avancée majeure pour la médecine.

Une bactérie qui détruit ses congénères

C'est justement ce que viennent d'annoncer trois chercheurs de l'université de Northeastern, à Boston, dans un article paru dans Nature. Ces derniers ont déniché une nouvelle molécule tueuse de bactéries à Gram négatif... dans le tube digestif d'un ver nématode vivant dans le sol. Cette molécule, que les chercheurs ont nommé darobactine, est produite par la bactériePhotorhabdus. Cette derrière « collabore » avec le ver pour infecter des larves d'insectes. Lorsque le ver parasite pénètre dans son hôte, la bactérie relâche des toxines qui détruisent sa faune bactérienne rivale, principalement des bactéries à Gram négatif. Les deux organismes se partagent ensuite les nutriments leur permettant de se nourrir et de se répliquer.

Photorhabdus luminescens est une bactérie luminescente vivant dans le tube digestif d’un ver nématode parasitaire. © Todd Ciche, Microbial Symbiosis Laboratory, Michigan State University

Un antibiotique non toxique qui se diffuse facilement

Les chercheurs se sont particulièrement intéressés à cette bactérie car les composés qu'elle produit cochent de nombreuses cases pour constituer des antibiotiques utilisables chez l'Homme : ils ne sont pas toxiques pour l'hôte (donc non pathogènes pour les animaux), restent suffisamment de temps pour décimer toutes les bactéries et se diffusent facilement dans les larves des insectes, ce qui suggère de bonnes capacités pharmacocinétiques.

Une stratégie rusée pour contourner les défenses des bactéries

Afin d'identifier les substances les plus prometteuses, les chercheurs ont isolé de grandes quantités de Photorhabdus et ont concentré leurs extraits. Ils sont tombés sur une molécule avec une structure peu ordinaire, constituée de deux anneaux soudés dont l'un possède une liaison carbone-carbone non active. « Nous n'avions jamais vu ce genre de structure dans un antibiotique auparavant », s'étonne Kim Lewis, l'un des auteurs de l'article. La molécule en question, la darobactine, est aussi inhabituellement grande : elle « pèse » 965 daltons, a priori bien trop gros pour pénétrer la membrane d'une bactérie à Gram négatif. Pour s'y attaquer, la darobactine utilise une autre stratégie : elle cible une molécule nommée BamA se trouvant sur la membrane de la bactérie et régulant la croissance de celle-ci. Du coup, pas besoin de traverser la membrane : la seule activation de ce récepteur inhibe sa croissance.

Des souris sauvées d'infections mortelles

Les chercheurs ont mené des essais in vitro, et constaté que la darobactine tuait de nombreuses bactéries à Gram négatif, comme E. coli, K.pneumoniae, les Shigella et les salmonelles. Ils ont également testé leur nouvel antibiotique chez des souris infectées qui ont ainsi été protégées alors que les animaux non traités sont morts en moins de 24 heures. « Même si la darobactine n'est pas efficace pour toutes les bactéries à Gram négatif, elle pourrait constituer une sorte "d'échafaudage" de base pour un médicament encore plus efficace », assure Kim Lewis au magazine Chemical & Engineering News.

D’autres découvertes à venir ?

Ce n'est probablement que le début des découvertes. « Photorhabdus existe depuis 370 millions d'années, explique le chercheur. Durant tout ce temps, il a probablement passé au crible toute la planète à la recherche d'antibiotiques qui leur sont utiles, et qui nous sont donc utiles ». Pourquoi s'embêter à scruter des milliers de molécules potentielles si un ver de terre peut le faire à notre place ?

Ce qu'il faut retenir
  • Les bactéries à Gram négatif sont particulièrement coriaces à tuer car elles possèdent une membrane imperméable à de nombreux composés.
  • Des chercheurs ont identifié une molécule, la darobactine, produite par une bactérie présente dans l’intestin d’un ver nématode.
  • Cette dernière inhibe la croissance de nombreuses bactéries pathogènes dont la salmonelle ou E.coli.

Source : Un nouvel antibiotique découvert... dans l'intestin d'un ver


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