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Laurent Grélot, Aix-Marseille Université (AMU) et Cécile Martha, Aix-Marseille Université (AMU)

La santé, « un état de complet bien-être physique, mental et social » selon l’Organisation mondiale de la Santé, est le plus précieux des biens. Parce qu’elle est un prérequis à la quasi-totalité des activités humaines, il s’agit d’un droit humain fondamental.

Mais nombre d’idées reçues courent à son sujet et sur ce qu’il est possible de faire pour la préserver. Les adultes pensent ainsi souvent qu’ils sont seuls responsables de leur santé… À tort ! Sa bonne construction et préservation s’opère en fait tout au long de la vie.

En effet, la santé résulte, à tout âge, d’interactions subtiles et complexes entre des facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux et comportementaux. Nous vous proposons d’en explorer certains, qui soulignent le rôle fondamental du sport, notamment chez les enfants.

La santé se construit dès la vie embryonnaire

Il est désormais acquis que la période fœtale et la prime enfance (les fameux « mille premiers jours ») sont des périodes capitales pour le développement réussi du futur adulte.

Nombre d’études épidémiologiques ont révélé le rôle de l’environnement précoce (physique, chimique, nutritionnel ou encore psychosocial) sur la santé immédiate, mais aussi future. Cela a même donné naissance à une nouvelle branche de la médecine, la DOHaD (« Developmental Origins of Health and disease », en français « Origine développementale de la santé et des maladies »).

Ainsi, l’exposition d’une femme enceinte à des substances toxiques consommées par choix (alcool, tabac, etc.) ou par accident, car présentes dans l’eau (arsenic), les aliments (mercure) ou l’air (nanoparticules) a des effets durablement délétères sur sa descendance, au-delà même de la première génération.

La petite enfance, pierre angulaire du capital santé

La période de la petite enfance, allant du développement prénatal jusqu’à l’âge de huit ans, est la plus cruciale. Cela tient au fait que ce développement juvénile (aspects physiques, sociaux, émotionnels, du langage et cognitifs) exerce une grande influence sur l’apprentissage de base, la réussite scolaire, la participation économique, l’inclusion sociale et la santé.

Les recommandations de l’OMS mettent en avant le rôle déterminant de la nutrition, du sommeil et de l’activité physique. Bien qu’universelles, elles ne s’appliquent pas avec la même acuité selon l’indice de développement humain (espérance de vie à la naissance, niveau d’instruction, etc.) des pays.

En France et dans les pays développés, depuis les années 1950-1960, le mode de vie des enfants et des adolescents, calqué sur celui de leurs parents, est de plus en plus inactif. Il est désormais impératif de lutter contre cette tendance et de remettre l’accent sur l’équilibre de la balance énergétique (apports caloriques alimentaires en regard des dépenses énergétiques) des jeunes.

L’alimentation, aide majeure à la santé des jeunes

En France, les jeunes sont globalement en bonne santé. Cependant, l’augmentation, constante depuis plusieurs décennies, de la fréquence de surpoids et d’obésité chez l’enfant est devenue un réel enjeu de santé publique.

La récente enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité, menée pour la Ligue contre l’Obésité (étude Obépi-Roche 2020), quantifie l’ampleur du problème : chez les enfants de 2 à 7 ans, 34 % sont en surpoids et 18 % obèses, tandis que dans la classe d’âge suivante (8 à 17 ans), 21 % sont en surpoids et 6 % obèses.

À noter que l’obésité est inégalement répartie dans cette dernière classe d’âge : 57 % des enfants ont un parent obèse, 62 % sont des garçons, et 75 % sont issus de catégories populaires et inactives (ouvriers, employés, chômeurs, hommes/femmes au foyer, etc.), soit 9 points de plus que dans l’ensemble.

L’activité physique, principal levier en déclin

Si les jeunes gens sont encore le groupe d’âge le plus actif dans notre pays, leur niveau d’activité demeure insuffisant. Les cours d’éducation physique et sportive (EPS) à l’école et les pratiques de loisir ne suffisent en effet pas à compenser la diminution de l’activité générale dans la vie quotidienne.

En 2008, le rapport de Jean-François Toussaint révélait ainsi que seuls 50 % des jeunes Français atteignaient le niveau d’activité physique prescrit dans le Programme national nutrition santé (PNNS). La récente enquête Esteban, menée sur la période 2014-2016, conforte malheureusement ces données. Chez les enfants âgés de 6 à 17 ans, seuls 51 % des garçons et 33 % des filles respectaient les recommandations de l’OMS.

Ces données globales masquent de fortes disparités puisque 40 à 60 % des jeunes gens ne pratiquent pas d’autres activités physiques que celles obligatoires en EPS.

Par ailleurs, dès le plus jeune âge, les filles ont une pratique physique significativement plus faible que celle des garçons. Cette différence apparaît dès l’âge de 4 ans, se retrouve à 9-10 ans et persiste à l’adolescence. Le niveau d’activité des filles décroît avec l’âge, quel que soit leur degré d’engagement physique (actives, modérément actives ou inactives).

Les raisons de la hausse de la sédentarité

Nos sociétés industrialisées sont donc très fortement impactées par la sédentarité. Celle-ci correspond à un état dans lequel les mouvements sont fortement réduits avec une dépense ?énergétique voisine de celle du repos. En cause, la tertiarisation des emplois, l’augmentation des déplacements passifs et l’essor du numérique.

Nos enfants passent bien trop de temps devant des écrans (2h30 à 5h/j). Ce temps d’inactivité physique ampute d’autant celui qui devrait être consacré au mouvement, qui devrait être (au minimum de 60 minutes par jour pour les 5-17 ans).

Plus grave encore, une étude menée par Assurance Prévention montre que les activités sédentaires ont progressé durant le premier confinement de la crise sanitaire de 2020. Elles ont ainsi représenté 33,3 h/semaine, contre 22,6 auparavant – soit une hausse de près de 50 %.

Les bénéfices du sport chez les jeunes

Chez l’adulte, pour une même élévation du volume ou de l’intensité d’activité physique, on constate que le bénéfice sur la santé est plus élevé chez les sujets inactifs et modérément actifs que chez les sportifs.

L’effet de l’activité physique sur la santé est plus ou moins fort selon que l’on pratique déjà ou pas du sport. Laurent Grélot, Fourni par l'auteur

Cette relation « dose-réponse » n’est pas aussi clairement établie chez les enfants et les adolescents sains. Cela est dû au fait que ces enfants sont déjà en bonne santé et que les études longitudinales (basées sur le suivi d’une population ou d’un phénomène dans la durée) sont difficiles à mener sur les jeunes populations. Il est cependant acquis qu’un style de vie actif pendant l’enfance et l’adolescence favorise l’expression d’un style de vie actif chez l’adulte.

L’activité physique pendant la croissance induit également des effets positifs sur la santé tout au long de la vie : renforcement osseux, endurances musculaire et cardiorespiratoire, agilité, équilibre, souplesse, etc. Inversement, les analyses « en creux » démontrent que l’inactivité des jeunes contribue fortement à la surcharge pondérale et à l’obésité, facteurs qui, eux, sont terriblement délétères sur la santé. Un constat que les Anglo-Saxons résument par la maxime « Play now or pay later » (joue maintenant ou paie plus tard).

Enfin, les bénéfices sur la santé de jeunes présentant certaines pathologies (obésité, syndrome métabolique, hypertension essentielle, anxiété, dépression, certains cancers…) sont désormais avérés.

Potentiel physique des jeunes : combattre les idées reçues des parents

Pour redonner leur liberté de mouvement à nos enfants, il convient d’abord de connaître leurs aptitudes et leurs limites physiques réelles. Un trop grand nombre de freins à la pratique sportive reposent en effet sur des croyances infondées.

C’est formidablement contre-intuitif, mais nos enfants sont physiologiquement des athlètes de haut niveau ! Par exemple, le potentiel en endurance aérobie (estimé par la VO?max) d’un enfant de 8 ans est supérieur à celui qu’il aura en fin d’adolescence et à l’âge adulte.

Les enfants sont aussi plus résistants à la fatigue et récupèrent plus vite des efforts intenses de courtes durées. Ils ne sont pas, comme on l’a longtemps dit, inaptes aux efforts en résistance (à dominante « lactique »). De ce fait, les pratiques physiques spécifiquement adaptées à leur âge ne peuvent que développer leurs habiletés motrices et leurs aptitudes physiologiques à l’effort physique.

Le temps de jeux actifs ou de sport est vécu par certains parents comme du temps perdu pour les études, et donc une entrave à la réussite scolaire. Pourtant, nombre de travaux de recherche prouvent le contraire. Ainsi, l’augmentation de l’EPS (ou de son équivalent à l’étranger) en primaire et au collège n’a, au pire, aucune incidence négative sur la réussite scolaire. Mais, au mieux, elle l’améliore par une augmentation de l’efficacité des apprentissages (meilleure attention, plus grande estime de soi, etc.) !

Rappelons enfin que le principal moteur de la pratique d’une activité physique est le plaisir. Il est donc primordial de laisser (en partie) les enfants choisir une pratique qui les gratifie plutôt que de leur imposer celle qui plaît aux adultes les accompagnant.

Se remettre tous en mouvement : un défi encore trop négligé

In fine, un niveau élevé d’activité tout au long de la vie, débutant dans l’enfance, permet de repousser l’entrée dans la dépendance avec l’âge. L’activité physique est bel et bien la clé d’une avancée dans l’âge en bonne santé, et le bénéfice qui en résulte est non seulement immédiat, mais aussi à venir.

Pourtant, de façon surprenante, malgré l’accumulation de preuves scientifiques, une grande partie de la population, jeunes inclus, demeure physiquement inactive. Nulle part le fossé est plus important entre ce que nous savons et ce que nous faisons.

En France, l’un des défis majeurs en santé publique est donc de rehausser, pour l’ensemble de la population et tout particulièrement pour les jeunes, le niveau d’activité physique correspondant à leur bagage génétique et adapté aux besoins de santé présent et futur. De nombreux programmes de développement de l’activité physique destinés aux jeunes d’âges préscolaire ou scolaire donnent des repères précis sur les habiletés motrices à cibler et la manière de le faire, que ce soit en matière de durée, intensité, fréquence ou encore variété des pratiques.

Tout est connu, encore faudrait-il s’y intéresser pour agir !

Ce défi ne pourra être relevé qu’en renforçant le rôle des divers acteurs, en particulier en milieu scolaire – via notamment les jeux et l’EPS. Mais n’oublions jamais qu’en matière d’éducation, le rôle premier appartient à la famille par l’exemple qu’elle donne…

Laurent Grélot, Professeur de Physiologie du travail et de l'exercice /// Ex- CR2C "Spécialiste physiologie du sport " au Commissariat des Armées - HIA Laveran, Aix-Marseille Université (AMU) et Cécile Martha, Maître de conférences en STAPS, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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