Simone Veil est entrée, avec son mari Antoine, au Panthéon dimanche. Une distinction pour son combat pour l'IVG et son engagement envers l'Europe. Cette femme engagée, parmi les personnalités préférées des Français, aura marqué la vie politique.
Ancienne déportée, titulaire d’une licence de droit, haut fonctionnaire au ministère de la Justice, rien ne prédestinait Simone Veil à faire carrière en politique. Elle n'approche le pouvoir qu'en 1969, à l'âge de 42 ans, lorsqu’elle devient conseillère technique dans le cabinet du ministre de la justice René Pleven. L’année suivante, elle est nommée secrétaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le président Pompidou, la première femme à occuper ce poste.
Mais ce n’est véritablement qu’en 1974 qu’elle entre dans l'arène. Après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence, sur les conseils du Premier ministre Jacques Chirac, elle devient ministre de la Santé. Elle est choisie à l’époque pour porter le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), qui dépénalise l'avortement. Inconnue du grand public, Simone Veil réussit ce combat malgré les attaques et les menaces. Son fort caractère et son intransigeance l’a mène quelques années plus tard à la présidence du Parlement européen. Auteur de "Le Masculin, le Sexuel et le Politique", la politologue Armelle Le Bras-Chopard nous explique en quoi la nouvelle entrante au Panthéon a profondément marqué la vie politique française.
France 24 : De quelle manière Simone Veil est-elle entrée en politique ? Avait-elle déjà une conscience politique ?
Armelle Le Bras-Chopard : Elle a eu une formation d’avocate. Quand elle a été nommée ministre de la Santé pour porter la réforme de l’IVG, ce n'est pas en raison de compétences particulières. Elle n’était absolument pas dans le milieu de la médecine. C’était vraiment un choix politique. Ils ont estimé que cette réforme devait être portée par une femme marquée ni à droite ni à gauche. Simone Veil était centriste. Elle apparaissait également comme étant nouvelle en politique. Elle avait aussi un profil qui permettait à tout le monde de se projeter. Elle n’était pas scandaleuse. Elle avait une vie normale, mariée et mère de troisenfants.
Son ambition politique n’est pas née dès le départ, mais lorsqu’elle est devenue peu à peu une figure marquante. Elle s’est retrouvée au Parlement européen précisément parce qu’elle avait déjà du charisme et une autorité. C’était une personnalité qui transcendait les clivages politiques.
Elle disait qu'elle était à gauche pour certaines questions et à droite pour d'autres. Tout au long de sa carrière, est-elle restée sur cette ligne politique ?
Cette femme avait des convictions personnelles. Tantôt, celles-ci pouvaient rejoindre des réformes ou des propositions de la gauche, tantôt de la droite. Mais en tout cas, elle ne suivait pas aveuglément un parti, même si elle s’est retrouvée dans un gouvernement du centre, celui de Giscard.
Suivre cette ligne politique n’a pas été difficile pour elle. Ce qui a été dur, c’est de faire passer la réforme en elle-même, celle de l’IVG. Elle a fait face à des attaques sexistes et à d’autres carrément antisémites. Ce qui est surprenant, c’est que c’est sa personne qui était visée et non ses opinions politiques. Tout d’abord, en tant que femme car elle était quand même une intruse dans un univers masculin et machiste, et elle portait une réforme qui ne plaisait pas forcément à certains messieurs. Il y a eu également d’horribles attaques antisémites. Elle a alors montré une force absolument fantastique.
C'est pour cela qu'elle est vue comme un modèle encore aujourd'hui ?
Elle a fait avancer la cause des femmes en politique. Elle n’a pas pleuré alors qu’elle recevait des tas d’injures. Auparavant, les hommes mettaient en avant le fait que le milieu était très difficile pour les femmes. Là, on a vu une personne qui savait se battre et qui avait des convictions. Elle a occupé un poste important pour une réforme extrêmement importante. On peut même dire que cela a été l’amorce de réformes ultérieures sur l’IVG, comme les délais pour le pratiquer ou le remboursement. Même si je ne sais pas quelle était sa conviction, on peut aller plus loin. Avec l’IVG, il n’y avait plus dans le mariage l’obligation de procréer. À partir du moment où le but du mariage n’est plus de faire des enfants, le sexe n’a plus d’importance. On peut voir d’une façon souterraine la préparation du Pacs, du mariage pour tous et d’autres réformes aujourd’hui en débat.
Quelle empreinte a finalement laissé Simone Veil sur la vie politique française ?
Elle est finalement dans l’air du temps avec cette idée de dépasser les clivages gauche-droite. Elle rassemble les Français. Ce n’est pas un hasard si son entrée au Panthéon a été programmée l’année dernière après l’élection présidentielle. Certains, comme Emmanuel Macron, peuvent dire qu'elle est ni de droite ni de gauche. Ceci dit, en dehors de ce coup de communication, elle le mérite, sauf qu’il faudrait changer la formule qui est sur le fronton du Panthéon – "Aux grands hommes la patrie reconnaissante" – et mettre autre chose.
C'est la cinquième femme à entrer au Panthéon. D'abord Sophie Berthelot, en 1907, en hommage à sa vertu conjugale pour rejoindre son époux, le chimiste Marcellin Berthelot. Puis il y a eu Marie Curie aux côtés de son mari Pierre Curie. Ce n’est qu’en 2015 que les résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz y sont vraiment entrées à titre personnel. Avec Simone Veil, il y a un renversement surprenant de situation, l'inverse de Sophie Berthelot. C'est son mari Antoine Veil qui la suit.
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