Villefranche-sur-Saône - Siestes dans des WC, repas froids, récréations imposées par zéro degré, "climat général de violences": la directrice de l'Ecole Montessori en Beaujolais, qui nie les atteintes physiques mais justifie certains agissements, était lundi devant la justice.
Le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône jugeait la directrice et une éducatrice de l'Ecole Montessori en Beaujolais pour "violences sans incapacité sur mineurs de moins de 15 ans par une personne ayant autorité". Des accusations qui ébranlent les principes bienveillants de la pédagogie Montessori.
Après une audience de près de 11 heures, le procureur a requis une peine de huit mois avec sursis avec interdiction d'exercer pendant cinq ans à l'encontre de la directrice; et quatre mois avec sursis et trois ans d'interdiction d'exercer pour l'éducatrice.
"Délire collectif?", "complot?": "non !", a justifié le procureur. Ces enseignantes, confrontées souvent à des enfants en difficulté, "ont été débordées, et, dans des situations d'énervement, ont pu se livrer à des brutalités sur des enfants très jeunes", a-t-il estimé.
Sur les bancs des parties civiles, une quarantaine de parents (pour 18 enfants), dans une salle d'audience pleine à craquer où se sont affrontés pros et antis directrice.
Camille T., 36 ans, ton assuré, carré châtain clair, nie fermement toute violence: des cous étranglés, des cols tirés, des fessées, selon les témoignages. "C'est contraire à mes convictions".
Architecte d'intérieur, elle s'est formée à cette pédagogie alternative avant d'ouvrir cette école hors contrat en 2013. Une école peut se revendiquer librement Montessori et les éducateurs n'ont aucune obligation de passer par l'Education nationale.
Les crispations se sont concentrées autour de quelques événements et notamment plusieurs siestes -- sept selon l'accusée -- pour une fillette de 4 ans présentant un handicap, dans un local avec WC sans fenêtre, porte fermée. "Cette enfant dormait dans cette pièce, alors qu'elle ne dormait pas avec les autres (...). Pour moi, ce n'est pas une violence, c'est une mesure d'adaptation", affirme la trentenaire, qui parle de jalousies et de complot de certains parents.
Et puis, ajoute-t-elle, la maman "rejette le handicap de sa fille" et ne la garde pas pour la sieste alors qu'elle ne travaille pas... Indignation dans la salle.
Confirmez-vous avoir laissé des enfants en recréation dans le froid alors qu'ils demandaient à rentrer ?, interroge le président. Ils "n'ont pas été deux heures dans le froid, on les sort parce qu'ils ont besoin de sortir même s'il fait froid", rétorque Béatrice B., l'éducatrice de 25 ans.
Les enfants ont-ils été privés de repas, de dessert ? Non, ils ont pu être décalés, explique la directrice. "Un enfant énervé qui jette de la purée sur les murs, on le sort pour qu'il se défoule". Les repas froids ? Il s'agit d'"un enfant qui ne s'alimente pas, très difficile", dit-elle.
Une poignée de parents, cités par la défense, sont venus témoigner du bien qu'il pensait de l'établissement. Ma fille "avait perdu confiance en elle" dans le circuit classique, ici elle "a gagné en confiance", dira l'un. "Mes fils m'ont dit qu'ils se suicideraient si elles ne revenaient pas", confiera un autre.
On dirait un "gourou", raille l'avocate de l'association Enfance et Partage, Me Karine Collomb, qui reconnaît à la directrice "une qualité: elle a réponse à tout". Les parents "ont été trompés" sur les "buts affichés" d'une pédagogie fondée sur la bienveillance, plaidera de son côté l'avocate de l'association l'Enfant Bleu, Me Leila Nemir.
L'école reste ouverte. Les deux accusées ne peuvent plus y exercer depuis janvier en raison de leur contrôle judiciaire.
Le jugement sera rendu le 22 juin.