Le choix des mots... Interrogée par la sénatrice Esther Benbassa sur la procédure de Dublin - qui est censée imposer aux demandeurs d'asile de faire leurs demandes dans le pays européen par lequel ils sont arrivés -, la ministre des Affaires européennes Nathalie Loiseau, ancienne directrice de l'ENA, s'est laissée aller à une réponse toute personnelle : "Lorsque l'on arrive du Sud-Soudan, on peut décider de faire du 'shopping de l'asile' et trouver qu'on est mieux en Suède qu'en Italie mais enfin tout de même...", a répondu la ministre, provoquant la colère de son interrogatrice. Un échange intervenu dans le cadre d'un débat sur l’Europe face à la crise migratoire.
"Mais franchement Madame, comment vous osez utiliser ce mot ?", s'est indignée la sénatrice dont la question prenait pour exemple le cas d'Abdel, un migrant venu du Darfour, qui n'a jamais pu faire sa demande, ni en Italie, ni en France tout au long de son parcours depuis son arrivée en Union européenne. Et Esther Benbassa de continuer quelques minutes plus tard :"Il n'y pas une crise humanitaire seulement, mais surtout une crise de l'accueil et aujourd'hui vous en avez donné l'exemple en parlant de 'shopping'. Mais comment pouvez-vous utiliser ce mot pour des gens qui sont dans la misère, dans l'anxiété, dans le dénuement ? Comment ? Je me le demande..."
"Envie de vomir quand la ministre des affaires européennes accuse les migrants de faire du "shopping de l'asile" alors que ces derniers sont confrontés dans leur pays à la guerre, à la misère. Et ils osent parler d'humanité...", a également commenté sur Twitter Sophie Taillé-Polian, la sénatrice PS du Val-de-Marne.
En séance au Sénat. Envie de vomir quand la ministre des affaires europeenes accuse les migrants de faire du "shopping de l'asile" alors que ces derniers sont confrontés ds leur pays à la guerre, à la misère. Et ils osent parler d'humanité...
— Sophie Taillé-Polian (@STaillePolian)
Au sein de la majorité aussi, la formule fait déjà l'objet de critiques, en témoigne le tweet publié ce mercredi soir par le député de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin : "'shopping de l’asile' : une formule très malheureuse et surtout si lointaine de la réalité de ces destins brisés."
Une expression "horrible"
Contactée par "L'Obs", Nathalie Loiseau reconnaît, par l'intermédiaire de son cabinet, une "expression horrible" mais rappelle néanmoins que ces mots sont régulièrement utilisés "par les spécialistes du régime européen de l'asile" et figurent à ce titre dans le glossaire de la Commission européenne :
"Elle désigne une pratique constatée : le fait que contrairement au droit européen en vigueur, certains demandeurs d'asile effectuent leurs démarches non pas dans le pays européen dans lequel ils sont entrés mais dans un autre Etat-membre, en fonction des conditions d'accueil ou de la probabilité de succès de leur démarche. Elle désigneaussi la pratique consistant pour un demandeur d'asile débouté dans un Etat-membre à introduire une demande dans un autre", fait valoir le cabinet de la ministre.
Suffisant pour éteindre la polémique ?
Lucas Burel