Il n'y aura pas de prix Nobel de littérature en 2018, a annoncé la fondation Nobel vendredi 4 mai. Une décision qui fait suite à la révélation d'accusations contre le mari d'une membre de l'académie de Suède, qui désigne chaque année le lauréat. Jean-Claude Arnault, photographe français et mari de la poétesse Katarina Frostenson, est accusé de viols, d'agressions sexuelles ou de harcèlement sexuel par 18 femmes.
"Le prix Nobel 2018 de littérature sera désigné et annoncé en même temps que le lauréat 2019", a précisé l'académie de Suède dans un communiqué. Les autres prix Nobel ne seront pas affectés. La fondation Nobel explique que la désignation d'un lauréat peut être reportée quand l'institution qui le choisit est dans une situation "si compliquée que la décision sur le prix ne sera pas perçue comme crédible".
Conflit d'intérêts et fuites dans la presse
Au cœur de l'affaire, le Français Jean-Claude Arnault. En novembre, en plein mouvement #MeToo, 18 femmes l'accusent de violences sexuelles ou de harcèlement sexuel dans le quotidien suédois Dagens Nyheter. Les académiciens en exercice ont tous nié avoir eu vent des agressions dont est accusé l'influent photographe. Mais, selon un rapport interne commandé après les révélations, l'académie avait reçu une lettre de dénonciation en 1997, concernant des faits similaires, et n'avait pris "aucune mesure". Selon la BBC, plusieurs des victimes auraient été agressées dans des lieux appartenant à l'académie suédoise.
Cette fois, l'académie a rompu ses liens avec Jean-Claude Arnault, qui étaient étroits. Il bénéficiait notamment de généreuses subventions de l'institution pour un lieu d'exposition et de performances qu'il dirigeait à Stockholm, fermé depuis. Des subventions qui violaient les règles de l'académie sur les conflits d'intérêts, puisque l'épouse académicienne du photographe possédait elle-même la moitié des parts du lieu.
Jean-Claude Arnault est aussi accusé par cette enquête interne d'être responsable de fuites des noms de lauréats du Nobel de littérature dans les médias. Le rapport cite comme seul exemple le fait qu'un bookmaker en ligne avait dû suspendre ses paris avant le couronnement de Jean-Marie Gustave Le Clézio en 2008.
Six démissions sur dix-huit membres
Le parquet de Stockholm a annoncé mi-mars qu'une partie de l'enquête préliminaire ouverte contre lui avait été classée sans suite pour cause de prescription ou faute de preuves. Il s'agit de viols et d'agressions présumés commis en 2013 et 2015. Les faits non encore classés n'ont pas été divulgués.
Six des 18 membres de l'académie suédoise ont quitté leur siège à la suite de l'affaire, qui a divisé l'instance. Parmi eux, la secrétaire perpétuelle, Sara Danius, qui souhaitait le départ de l'épouse du photographe, Katarina Frostenson. Une exclusion rejetée par les académiciens lors d'un vote. Celle-ci a tout de même décidé de se mettre en retrait.
En théorie, les académiciens suédois ne peuvent pas démissionner mais seulement laisse leur siège vide. Conséquence de ce scandale, il ne reste plus que 11 membres actifs au sein de l'académie. Il en faudrait 12 pour, notamment, voter la désignation de nouveaux membres.