Après avoir participé aux deux guerres de Tchétchénie, le journaliste Arkadi Babchenko, dont la mort a été mise en scène par les services secrets ukrainiens mardi, est devenu écrivain et correspondant de guerre, critique du pouvoir russe.
Soldat, écrivain, correspondant de guerre, journaliste d'opposition... La vie d'Arkadi Babchenko n'a pas manqué de rebondissements, mais c'est un nouveau chapitre rocambolesque qu'elle a traversée, mardi 29 mai, avec la mise en scène de son propre assassinat, qu'il a souvent dit craindre.
Après être passé pour mort pendant moins de 24 heures, le journaliste a réapparu mercredi à la surprise générale, devant les caméras, aux côtés des services de sécurité ukrainiens qui ont expliqué avoir trompé la presse et le public pour déjouer un assassinat commandité par la Russie.
"Un véritable artiste, un écrivain"
"Totalement direct, totalement honnête. Un véritable artiste, un écrivain pour lequel il était plus important de se positionner que de simplement décrire ce qu'il se passe", le qualifiait, dans un éditorial paru au moment où les journalistes le pensaient mort, la rédaction du prestigieux journal d'opposition russe Novaïa Gazeta, auquel il avait collaboré.
En Russie, Arkadi Babchenko s'est d'abord fait connaître grâce à ses récits crus des deux sanglantes guerres de Tchétchénie, auxquelles il a participé en tant que soldat, jeune conscrit de 18 ans pour la première (1994-1996), volontaire pour la seconde (1999-2003). Dans un livre publié en France sous le titre "La couleur de la guerre", il raconte sans fard son expérience du conflit : la violence, les atrocités, l'alcoolisme, la faim, la corruption.
Après avoir quitté l'armée, et un diplôme en droit international en poche, il commence à travailler comme correspondant de guerre pour des médias russes, dont Novaïa Gazeta, pour qui il couvre le conflit-éclair entre la Russie et la Géorgie en 2008.
Opposé au Kremlin
Il couvre également, dans des articles remarqués en Ukraine, le soulèvement pro-européen du Maïdan à Kiev, à l'hiver 2014, puis le conflit avec les séparatistes prorusses dans l'est de ce pays, où il dénonce le rôle de la Russie, appuyant la thèse de Kiev et des Occidentaux selon laquelle Moscou soutient militairement les rebelles, ce que le Kremlin a toujours démenti.
Résolument opposé à la politique de Poutine, il fait entendre sa voix en critiquant régulièrement l'intervention de l'armée russe à partir de 2015 en Syrie, jusqu'à un texte diffusé sur Facebook sur le crash en mer Noire d'un avion militaire, fin 2016. C’est ce message, dans lequel il évoque les bombardements russes dans le nord de la Syrie et qualifie son pays d'"agresseur", qui lui vaut un torrent de menaces.
Disant à plusieurs reprises craindre pour sa vie, il quitte la Russie en 2017 avec sa famille. "Si quelqu'un jure de vous tuer, faites-lui confiance", écrit-il sur Facebook.
En Ukraine, Arkadi Babchenko animait depuis un an une émission sur la chaîne de télévision privée ATR, porte-voix de la communauté des Tatars de Crimée, fermée l'an dernier par les autorités dans cette péninsule annexée par Moscou en 2014.