Valérie Bougault, Université Côte d’AzurEn France comme ailleurs, la pandémie de Covid perturbe notre quotidien depuis plus de deux ans maintenant. Avec un impact plus ou moins grand selon le niveau de circulation du virus : les vagues successives ont entraîné des mesures de confinement initialement très strictes puis plus permissives. Selon les pays, ces mesures ont différé, notamment en ce qui concerne la pratique sportive – par ailleurs plébiscitée pour ses bienfaits.
S’il existait en 2019 une littérature sur les risques de contagion pour différents virus dans les salles de sport, cette dernière était relativement pauvre sinon inexistante pour un nouveau venu comme le virus SARS-CoV-2, responsable du Covid-19. Ce qui ne permettait pas de connaître réellement les risques encourus en cas de pratique en milieu clos, en cas d’utilisation de matériel collectif ou dans les sports de proximité, comme le football, ou les sports de combat.
Quant aux pratiques en extérieur individuelles, si elles ont toujours semblé être à faible risque, encore fallait-il s’en assurer… En effet, nous ne connaissions pas alors la durée de vie du virus sur différentes surfaces ou dans l’atmosphère. Des études ont donc été menées au cours des années 2019-2021 afin d’apporter des réponses à ces interrogations.
Des risques liés à la transmission aérienne du virus
À l’effort, nous exhalons de nombreuses particules de diverses tailles, la plupart étant des aérosols (particules de quelques millièmes de µm à 100 µm). Ces particules peuvent se propager autour de nous à des distances plus ou moins faibles (jusqu’à plus de 2m pour les aérosols) et se déposer sur les surfaces alentour ou rester en suspension. Or elles peuvent être porteuses de virus, dont le SARS-CoV-2… Et il a été montré que ce dernier peut rester infectieux sous forme d’aérosols pendant des heures, et sur les surfaces pendant plusieurs jours.
Lors d’efforts physiques intenses, ce phénomène est encore amplifié. Le nombre d’aérosols exhalés par la bouche ou le nez peut être multiplié par 30 comparé au repos, et cela uniformément autour du sportif – y compris derrière lui. Plus le sportif respire fort, plus la quantité d’aérosols générée est importante. La quantité d’aérosols produite en pleine activité est également extrêmement variable selon les individus : certains sont ainsi des « super-propagateurs » d’aérosols, peut-être du fait d’une production importante de salive, d’une toux, de leur façon de respirer à l’effort…
Devant tous ces constats, il était important de savoir quelles pratiques étaient les plus risquées, pourquoi et comment se protéger. Nous disposons désormais de données à la fois pour les sports collectifs et individuels, en salle comme à l’extérieur : c’est ce que nous vous résumons ici.
Seuls les sports individuels de pleine nature ne seront pas développés. De fait, il n’y a pas d’études spécifiques les concernant car ceux-ci ne semblent pas poser de problèmes de transmission. Ceci à la condition bien sûr que cette activité soit vraiment pratiquée en individuel, à cause de la production d’aérosols évoquée précédemment… ou de l’utilisation ou du partage de matériel qui serait potentiellement « contaminé ».
En salles de sport et de fitness
Ce n’est pas une surprise, les centres de fitness et toute salle de sport en intérieur ont été observés être des lieux de transmission, quelle que soit leur taille.
Des taux de contamination de 20 à 68 % ont été observés, probablement selon le nombre de personnes fréquentant la salle, l’efficacité et le type de ventilation, la taille du local, l’activité effectuée, les mesures d’hygiène prises… La contamination peut venir des sportifs, du staff ou des entraîneurs. Des contaminations ont également été observées en squash, malgré l’absence de partage du matériel individuel.
Équiper ces salles de filtres à particules de haute efficacité (HEPA), associés à un renouvellement de l’air efficace, permet de réduire drastiquement le pic de concentration des aérosols : jusqu’à 98 % dans une étude récente) (selon la taille de la pièce et le taux de renouvellement de l’air). Ce type de filtre permet également de réduire de moitié le temps nécessaire à l’élimination de quasiment tous les aérosols.
Cependant, le moyen le plus sûr d’éviter la propagation du virus reste d’éviter de propager les aérosols durant l’effort, en sus de respecter une distanciation suffisante (2m et plus). C’est pourquoi le port du masque est suggéré en période de pandémie, en suivant les règles d’hygiènes – se laver les mains avant l’entrée en salle, ne pas partager sa bouteille d’eau…
Les masques considérés sont de type N95/FFP2, mais rappelons qu’ils ne sont [pas adaptés à l’effort d’endurance] encore moins pour des efforts intenses surtout chez le sportif – ils ne sont pas demandés en compétition, et il n’existe aucune donnée sur leurs effets lors d’exercices ou d’entraînements prolongés et intenses. En revanche, les tests d’effort à visée médicale réalisés en laboratoire (tests d’effort cardiopulmonaires) montrent qu’ils semblent sans danger dans ce cadre, malgré un plus grand essoufflement et une perception plus pénible de l’effort.
L’idéal est donc, pour toute pratique sportive, de porter un masque en salle lors des entraînements d’intensité faible à modérée mais pas pour un effort intense. Si le masque n’est pas supporté (dyspnée ou sensation de respiration gênante, perception dégradée de l’effort fourni, etc.), il faut diminuer l’intensité pour revenir à un niveau tolérable.
À la piscine
Contrairement à certaines idées reçues, les piscines ne sont pas des bouillons de culture propice au Covid. S’il a des défauts, le chlore est un désinfectant très efficace face aux virus et bactéries. Des études montrent que le SARS-CoV-2 n’échappe pas à la règle, et que la chloration de l’eau aux doses indiquées par la législation est efficace contre sa propagation. Pour les piscines utilisant d’autres techniques bactéricides, les données manquent.
Une étude danoise s’est penchée sur la transmission du SARS-CoV-2 au sein de populations de nageurs de clubs dans tout le Danemark. Les auteurs estiment que le risque d’être positif au SARS-CoV-2 chez un nageur, si l’un des autres nageurs est positif, n’est que de 1 % – ce qui est assez faible comparé à la population générale danoise (attention, les règles d’hygiène spéciales Covid étaient en vigueur lors de cette enquête). Un résultat qui correspond à 19,5 contaminations pour 100 000 heures d’activité.
Les auteurs suggèrent également que les nageurs de compétition semblent plus à risque de se transmettre le virus que les nageurs de loisirs. Deux raisons possibles à cela : peut-être parce qu’ils sont plus nombreux par ligne à l’entraînement, et parce qu’ils se connaissent très bien en général et sont ainsi plus susceptibles d’être proches en piscine.
Sports collectifs en extérieur (rugby, foot…)
Pour ces activités, il faut dissocier le risque de contamination avant et après la mise en place des mesures d’hygiène générales et spécifiques aux sports de haut niveau.
La transmission du SARS-CoV-2 a été étudiée chez des joueurs professionnels lors des matchs de la Super League de Rugby, au moment où les mesures d’hygiène étaient en vigueur. Malgré leur proximité, et la positivité de certains d’entre eux au Covid, le jeu en lui-même ne semble pas avoir contribué significativement à la propagation du virus. Les cas positifs observés qui sont apparus étaient davantage liés au co-voiturage, à l’environnement ou aux activités sociales.
La même chose a été observée en football, tant chez des joueurs professionnels et amateurs, où le contact physique entre deux participants ne durait généralement pas plus de trois secondes.
Il ne semble pas non plus y avoir de contamination par les surfaces des différents locaux (vestiaires, toilettes, garde-manger…) dans les clubs où elles sont régulièrement désinfectées.
Il s’agit cependant de joueurs soumis aux règles d’hygiène anti-Covid dans des structures où les surfaces sont régulièrement désinfectées. On ne peut donc généraliser ni à avant l’instauration des mesures d’hygiène ni à ce qui peut se produire chez des publics d’enfants.
Sports de combat
Il n’y a pas d’étude spécifique sur la transmission du SARS-CoV-2 au sein des structures accueillant les sports de combat.
Toutefois, du fait de la proximité des participants, pour les raisons évoquées précédemment de production d’aérosols, ces activités comportent des risques importants de propagation. Ce qui fait qu’elles ont très vite (et longtemps) été impactées par les mesures liées au Covid-19, que ce soit par les distanciations imposées (le contact étant inhérent à la plupart de ces disciplines) ou la fermeture des salles spécialisées.
Pratiquer le sport de haut niveau en contexte épidémique
Pour les athlètes de haut niveau, la pratique s’accompagne d’événements spécifiques, potentiellement propices aux contaminations : ce sont les compétitions, tels les Jeux olympiques d’hiver de Pékin qui viennent de se terminer.
En cas de vague épidémique, ou de prévalence élevée, les taux de contamination au SARS-CoV-2 sont importants chez les sportifs comme dans la population générale. Ce qui augmente de fait les contaminations au sein des équipes : un système sévère de test (des sportifs et du staff) et de « bulles » a donc été instauré. Au niveau des compétitions internationales et nationales, comme lors des récents Jeux olympiques, cela constitue un casse-tête tant pour les participants que pour les organisateurs…
Le système de « bulles », inhérent au protocole sanitaire adapté au sport, a été mis en place par les commissions médicales des fédérations sportives internationales afin de garantir le déroulement des compétitions avec un minimum de contagions. Les gouvernements et fédérations, en France notamment, ont également mis en place un protocole sanitaire inhérent à la continuation de la pratique sportive.
Une bulle consiste souvent en une équipe, staff et athlètes, testés négatifs au SARS-CoV-2, vaccinés ou non, qui doit éviter les contacts avec les personnes qui n’en font pas partie.
Les mesures d’hygiène et de distanciation s’appliquent dans et en dehors de cet ensemble, y compris hors de la compétition elle-même. Le groupe est testé par qPCR avant la compétition – en général 72h à 24h avant selon les sports, le type d’évènement et le règlement du pays – et pendant si nécessaire. Ce système a été pensé pour des sports de contact (de combat, etc.), pour des sports collectifs (football), mais également adopté par une grande majorité des sports olympiques.
Leur intérêt est double : d’une part, limiter au maximum les contaminations des sportifs, mais aussi faciliter le traçage des cas positifs le cas échéant et cibler les mesures à prendre. Ceux qui sont positifs sont mis en quarantaine à l’extérieur de la bulle.
Lors des JO d’été de Tokyo 2020, pour lesquels on a maintenant du recul, les sportifs devaient présenter un test qPCr négatif au départ de leur pays et à leur arrivée au Japon. Ensuite, la bulle sanitaire imposait que les sportifs négatifs ne quittent pas le village olympique, sauf pour s’entraîner ou pour la compétition.
Pour quelle efficacité ? Au total, parmi les 54 250 tests qPCr qui ont été réalisés à l’arrivée à Tokyo sur la période olympique, seuls 55 ont été positifs – et les sportifs concernés ont aussitôt été mis en quarantaine stricte. Au cours des jeux olympiques et paralympiques, ce ne sont pas moins de 1 014 170 de tests qui ont été réalisés, avec 299 cas positifs (cas contacts) soit 0,03 %.
De quoi dire que le système de bulles a bien fonctionné, même s’il n’était pas infaillible. Un plus pour la santé des athlètes… que leur bonne condition physique ne rend pas invulnérable.
Valérie Bougault, Maître de Conférences, Université Côte d’Azur
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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