Une coalition militaire regroupant la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni a mené dans la nuit de vendredi à samedi une série de frappes contre des sites du régime de Bachar al-Assad en Syrie, en représailles à l’utilisation supposée d’armes chimiques par l’armée régulière dans la Ghouta orientale.
« Les objectifs qui avaient été fixés ont été atteints. Il y avait des cibles qui avaient été bien identifiées, bien circonscrites, qui étaient toutes liées à la capacité chimique clandestine du régime de Bachar Al-Assad. Et ces cibles ont été touchées », a déclaré ce samedi Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères. 20 Minutes fait le point sur les répercussions de cette initiative militaire.
Qu’est-ce qui a motivé ces frappes ?
Emmanuel Macron a parlé d’une « opération internationale dirigée contre l’arsenal chimique clandestin du régime syrien » et « circonscrite aux capacités du régime syrien permettant la production et l’emploi d’armes chimiques ». Le président français avait prévenu, la possible utilisation d’armes chimiques dans la Ghouta orientale, à Douma, par l’armée de Bachar al-Assad, ne resterait pas sans conséquences.
Le communiqué de la ministre de la Défense Florence Parly ce samedi confirme la motivation de l’attaque de la coalition : « Le samedi 7 avril 2018, à Douma, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont été massacrées à l’arme chimique, en totale violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Les faits et la responsabilité du régime syrien ne font aucun doute. La ligne rouge fixée par la France en mai 2017 a été franchie. »
Les deux puissances alliées à la France dans cette opération ont avancé les mêmes justifications. La première ministre britannique Theresa May a assuré qu’il n’y avait « pas d’alternative à l’usage de la force » car « tous les recours diplomatiques » avaient déjà été étudiés. De son côté Donald Trump, évoquant « un intérêt vital pour la sécurité nationale des Etats-Unis », a également parlé de ce samedi 7 avril, quand « le régime Assad a de nouveau déployé des armes chimiques pour massacrer des civils innocents », épisode qui a rendu « nécessaire le rétablissement d’une puissante dissuasion contre la production, la dissémination et l’utilisation de substances chimiques ».
La coalition disposait-elle du droit pour cette attaque ?
L’ambassadeur français à l’ONU, François Delattre, a expliqué que ces frappes visaient à « restaurer l’interdiction absolue des armes chimiques qui est gravée dans le marbre des conventions internationales, et consolider ce faisant la règle de droit ». À l’inverse, plusieurs responsables politiques français de l’opposition ont rapidement dénoncé sur Twitter une opération lancée sans l’aval des Nations unies, et donc au mépris du droit international, comme le député LFI Jean-Luc Mélenchon, la secrétaire générale adjointe des Républicains Valérie Boyer ou encore le député Front national Louis Aliot.
Selon les règles de l’ONU, il y a trois possibilités pour justifier une attaque de ce type : que l’opération soit menée sur demande du pays où elle doit se dérouler (le pouvoir d’Assad représentant la Syrie à l’ONU, ce n’est évidemment pas le cas), qu’il y ait un mandat des Nations unies (ce n’est pas non plus le cas), ou que la légitime défense soit invoquée sur la base de l’article 51 de la charte des Nations unies, ce qui n’est là encore pas le cas. « Aucune bombe ne devrait être lâchée sans l’aval de l’ONU », réagit le député France Insoumise Alexis Corbière auprès de 20 Minutes.
Le Parlement français a-t-il son mot à dire ?
Au niveau franco-français, l’absence de concertation préalable avec le parlement est reprochée par plusieurs élus à Emmanuel Macron. Selon l’article 35, alinéa 2 de la Constitution française, souligné par le président et la ministre Florence Parly, le chef de l’Etat n’avait pas à en informer les parlementaires en amont, mais un débat doit être organisé dans les trois jours qui suivent l’opération. Il aura lieu lundi à l’Assemblée nationale.
Ce débat ne donnera lieu à aucun vote, mais si « la durée de l’intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement », la chambre basse tranchant en dernier ressort.
Alexis Corbière, membre de la commission Défense nationale et forces armées, déplore l’absence de consultations avec ses collègues : « On est en pleine monarchie présidentielle, et le débat sera simplement consultatif… les armes ont déjà parlé ».