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Quand les chats améliorent la qualité de vie au sein des Ehpad

Marie Pelé, Institut catholique de Lille (ICL); Anthony Piermattéo, Institut catholique de Lille (ICL); Cédric Sueur, Université de Strasbourg; Héloïse Vesque-Annear, Institut catholique de Lille (ICL) et Marine Grandgeorge, Université de Rennes 1 - Université de Rennes

En France, depuis peu, les établissements et les services accueillant des personnes âgées doivent garantir leur droit d’accueillir leur animal de compagnie. Mais quel est leur impact au quotidien pour la vie des résidents et le travail des soignants ?


En France, la maladie d’Alzheimer est devenue la première cause d’entrée en Ehpad. Les traitements développés à l’heure actuelle ne font que réduire les symptômes physiques de la maladie sans arrêter sa progression. Or, les premiers symptômes peuvent apparaître vers 60 ans et la maladie touche plus d’un million de personnes. C’est pourquoi, depuis 2011, la Haute Autorité de Santé recommande l’utilisation de compléments non pharmacologiques afin de soigner et prévenir l’apparition des problèmes de santé liés à Alzheimer. Parmi eux figure la médiation animale, une intervention où l’animal est intentionnellement présent pour contribuer au bien-être physique, psychologique ou encore émotionnel de la personne âgée. En effet, dans le cadre de pathologies telles que la démence chez la personne âgée, l’un des bénéfices observés est la capacité à créer des liens sociaux en présence de l’animal, qui va alors agir comme un « lubrifiant » social facilitant les conversations, les sourires, ou les gestes tout en stimulant les fonctions cognitives et sensorielles. De tous les animaux de compagnie accueillis dans les Ehpad, le chat est le plus présent soit en « résident » permanent dans les unités de vie, soit en « visiteur » ponctuel avec un intervenant en médiation animale. Comparé à l’interaction avec un chien, le chat réduirait davantage l’expression des symptômes dépressifs des personnes âgées. Cette pluralité des pratiques rend la médiation animale difficile à quantifier à l’échelle nationale et reste une démarche propre à chaque établissement.

Afin d’étudier l’impact de la présence permanente d’un chat dans des unités de vie, notre étude s’appuie sur l’analyse des réseaux sociaux résidents-soignants-animaux encore trop peu investiguée en gérontologie. Celle-ci consiste à relever les différentes interactions entre les individus (contacts physiques, échanges verbaux, regards ou autres) qu’il s’agisse des résidents, des soignants et des chats.

Des expériences dans les Ehpad

Une telle méthodologie permet de refléter les relations sociales entre résidents et soignants mais aussi les relations sociales entre humains et animaux sans modification de leur quotidien. Ainsi, nous avons comparé des unités de vie de personnes âgées avec chat et sans chat. Quatre unités de vie ont ainsi été observées pendant 30 jours : trois unités de vie accueillant des personnes âgées avec Alzheimer, dont deux possèdent un chat en résidence et une unité de vie accueillant des personnes âgées avec handicap et possédant deux chats en résidence. Chaque unité a été observée 45 heures (soit 1h30/jour) pour un total d’observation de 180 heures.

Les résultats obtenus lors de cette étude mettent en avant que les chats semblent s’adapter au contexte des pathologies des unités en occupant différemment les zones de l’espace de vie entre les unités accueillant des personnes âgées avec Alzheimer et des personnes âgées avec handicap. Ce résultat peut s’expliquer par la déambulation et l’agitation fréquente des résidents avec Alzheimer en salle de vie. Cette agitation a pu amener les chats à occuper les zones moins fréquentées de l’unité, à savoir les chambres des résidents. Au contraire, les chats de l’unité accueillant les personnes âgées avec handicap occupent préférentiellement la salle de vie et la terrasse extérieure où les résidents déambulent peu, la plupart étant en fauteuil roulant.

Des interactions privilégiées avec certains résidents

Contrairement à nos attentes, la visualisation d’aucun des réseaux sociaux étudiés n’a permis de mettre en évidence des différences entre les quatre unités ; suggérant que ces unités se comportent de manière similaire qu’elles aient un chat ou non et quel que soit son contexte pathologique (Alzheimer ou handicap). Toutefois, nous constatons que le chat occupe une position périphérique au sein du réseau social, avec des interactions privilégiées auprès de certains résidents.

Nos résultats laissent supposer que pour le chat, les interactions sociales sont dépendantes d’une réciprocité d’interaction qu’elle soit physique ou verbale avec le résident. Ils illustrent également que plus un résident témoigne un vif intérêt et de l’attachement pour le chat, plus le chat va interagir et être à proximité de ce dernier. Nos résultats ont également démontré un lien entre la proximité physique avec le chat et la socialité des soignants. En effet, plus les soignants sont en contact physique avec l’animal et plus ils interagissent avec les différents membres de l’unité.

Le chat, véritable lubrifiant social

Cela confirme bien que le chat joue le rôle de lubrifiant social auprès des soignants en favorisant la communication, voire en réduisant leur anxiété au travail. Enfin, il est important de se rendre compte que les résidents comme les soignants réalisent deux fois plus d’interactions indirectes envers l’animal : lui parler, le solliciter que d’interactions directes comme le porter, le caresser ou encore le récompenser d’une friandise. Ce résultat est important pour illustrer qu’interagir socialement avec l’animal ne sous-entend pas nécessairement un contact physique avec ce dernier. La seule présence de l’animal devient un intérêt commun entre les résidents et les soignants améliorant la qualité de vie au sein des unités de vie de l’Ehpad.

L’ensemble des avancées scientifiques dans le domaine de la médiation animale et la nouvelle mesure législative relative à l’accueil des animaux de compagnie dans les Ehpad sont prometteurs mais amènent de nouveaux questionnements.

En effet, la bonne intégration des animaux dans les établissements est dépendante de multiples facteurs liés à la responsabilité de la gestion d’un ou plusieurs animaux dans les unités mais aussi à l’acceptabilité du personnel soignant et des proches. L’analyse des réseaux sociaux résidents-soignants-animaux est une piste méthodologique encourageante pour évaluer ces aspects et proposer des stratégies d’accueil des animaux pérennes au sein des établissements.

Marie Pelé, Chargée de recherche en éthologie, Institut catholique de Lille (ICL); Anthony Piermattéo, Professeur de psychologie sociale, Institut catholique de Lille (ICL); Cédric Sueur, Professeur des Universités en éthologie, primatologie et éthique animale, Université de Strasbourg; Héloïse Vesque-Annear, Doctorante en éthologie et psychologie sociale, Institut catholique de Lille (ICL) et Marine Grandgeorge, Ethologie, Relation Homme - Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1 - Université de Rennes

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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