Yakowlang (Afghanistan) (AFP) - "Cet argent-là, il est à moi". Sous son fichu fleuri de marguerites, Jamila triomphe et pointe son index sur sa poitrine: cette paysanne afghane aux pommettes rondes produit du miel derrière sa maison, un micro-business qui lui apporte son premier revenu et surtout un statut.
Dans la province montagneuse de Bamiyan au c?ur de l'Afghanistan, l'une des moins développées du pays mais des plus libérales, berceau de la minorité hazara, l'apiculture complète l'unique culture commerciale, la pomme de terre. Et elle profite aux femmes.
Quatre coopératives apicoles ont vu le jour ces dernières années, soutenues par des ONG et la coopération internationale, dont celle de Yakawlang qui emploie 125 femmes, à une centaine de kilomètres à l'ouest des fameux bouddhas géants détruits par les talibans en 2001.
Dans ce district perché à 2.600 m d'altitude, les apicultrices s'inquiètent de l'arrivée du froid qui pourrait tuer leurs abeilles. Emmitouflées dans leurs châles, elles ont marché plus d'une heure dans la neige pour remplir les pots de miel et coller les étiquettes bleues, sans savoir les lire.
- Faites reines -
D'abord timides, elles se bousculent bientôt en riant pour raconter celles qui les ont faites (presque) reines.
Jamila s'est lancée l'an passé grâce à sa voisine, Siamui, pionnière de la coopérative il y a cinq ans, qui lui a offert sa première colonie: "C'était en avril. J'étais tellement contente, dès que j'avais fini mon travail, je m'asseyais pour regarder mes abeilles", avoue-t-elle, faisant rire les autres.
La coopérative a collecté environ 400 kilos de miel cette année, indique son responsable Habitullah Noori. Le kilo se vend 800 afghanis sur place (11,5 euros) et 1.000 à Kaboul (14,5 euros).
Jamila est une grand-mère dont les enfants ont quitté le foyer; Siamui en élève toujours huit; Siddiqa, orpheline, s'occupe de quatre frères et s?urs. Chacune entretient une à quatre ruches en moyenne, les quelques milliers d'afghanis gagnés complétant un revenu gratté à l'os.
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